Maroc : qui veut la peau de Vahid Halilhodzic ?

Même si le Maroc est qualifié pour la Coupe du Monde, le sélectionneur Vahid Halilhodzic n’est pas certain de rester à son poste. À en croire les propos de Fouzi Lekjâa, le président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF).

L’entraîneur bosniaque du Maroc, Vahid Halilhodzic, arrive pour le tirage au sort de la Coupe du monde 2022 au Qatar, le 1er avril 2022. Morocco’s Bosnian coach Vahid Halilhodzic arrives for the draw for the 2022 World Cup in Qatar at the Doha Exhibition and Convention Center on April 1, 2022 © FRANCK FIFE/AFP

Alexis Billebault

Publié le 20 avril 2022 Lecture : 5 minutes.

Vingt-neuf pays ont déjà obtenu leur qualification pour la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Les trois autres sortiront des derniers matches de barrages du mois de juin prochain (entre l’Écosse, le Pays de Galles, l’Ukraine, le Pérou, l’Australie, les Émirats arabes unis, le Costa Rica et la Nouvelle-Zélande). Aucune des sélections déjà assurées de leur présence dans le Golfe n’a – à ce jour – laissé entendre qu’un possible changement d’entraîneur était envisageable. Toutes sauf une : le Maroc.

Dans un monde idéal, le maintien du staff technique qui a qualifié l’équipe est une évidence, et les mois qui précèdent la Coupe du Monde sont consacrés à sa préparation, aux matches amicaux et au suivi des joueurs, le tout dans une ambiance teintée d’impatience en attendant le jour J. Mais pas au Maroc qui a fait le choix inverse.

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Incendie

Le 29 mars dernier à Casablanca, les Lions de l’Atlas dominaient largement la RDC (4-1, 1-1 à l’aller) et se qualifiaient pour leur sixième phase finale de Coupe du Monde.

Or le 8 avril, Fouzi Lekjâa, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), déclarait lors d’une interview accordée au média marocain Soccer 212 que « la sélection nationale doit disposer le jour J de la meilleure structure technique possible pour relever les défis. Rien n’est figé. On ne peut pas dire que Vahid soit intouchable et indispensable, tout comme Fouzi Lekjâa. Une décision sera prise le moment venu. » Suffisant pour provoquer l’émoi de tout ce que le royaume compte d’amoureux du football.

Le 12 avril dans la soirée, l’ancien président de la Renaissance Sportive de Berkane a bien tenté d’éteindre l’incendie, lors d’une réunion du comité directeur de la FRMF. Fouzi Lekjâa a répondu qu’il rencontrerait à la fin du mois d’avril le technicien franco-bosnien, actuellement en vacances dans l’Hexagone, « pour tracer une feuille de route en prévision de la Coupe du Monde et des qualifications pour la CAN 2023 [qui débuteront en juin prochain. Le Maroc connaîtra ses adversaires le 19 avril, ndlr] ».

« Les portes de la sélection sont ouvertes »

Le boss du foot marocain aurait pu s’en tenir là mais il a ajouté à propos de Noussaïr Mazraoui (Ajax Amsterdam, Pays-Bas), Hakim Ziyech (Chelsea, Angleterre) et Abderrazak Hamdallah (Al-Ittihad Jeddah, Arabie saoudite) « que les portes de la sélection nationale sont ouvertes à tous les joueurs marocains, et que la prochaine étape requiert de mettre de côté les divergences ». « Le dernier mot reviendra au sélectionneur et à son staff technique », a-t-il rappelé, à toutes fins utiles.

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Il se trouve que les trois joueurs cités sont brouillés avec Vahid Halilhodzic depuis plusieurs mois : absents lors de la CAN au Cameroun, les deux premiers avaient refusé d’affronter la RDC en mars 2022 alors qu’ils avaient reçus leur convocation, en prenant soin d’égratigner au passage Lekjâa et le sélectionneur.

Halilhodzic doit faire en sorte que ces joueurs reviennent. Ou s’en aller

« Je pense que les déclarations du président lors de son interview doivent être perçues comme un message très clair à l’attention du coach », estime Mustapha El Haddaoui, l’ancien milieu de terrain des Lions de l’Atlas (55 sélections).

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« Le Maroc a besoin de ses meilleurs joueurs pour jouer la Coupe du Monde, ajoute-t-il. Le président, le sélectionneur et les joueurs doivent se réconcilier. Il est question de l’intérêt supérieur de l’équipe nationale et du Maroc. Il faut que Vahid Halilhodzic assouplisse ses positions.»

Mais certains vont plus loin qu’El Haddaoui, comme ce proche de Fouzi Lekjâa : « Il faut saluer le bon travail et les résultats obtenus par le coach mais dans les quinze prochains mois, le Maroc va jouer la Coupe du Monde (dans le groupe de la Croatie, le Canada et la Belgique) et la CAN 2023 en Côte d’Ivoire (s’il se qualifie). S’il veut avoir des chances de passer le premier tour au Qatar, il aura besoin des meilleurs et il faut dépasser ces questions d’egos. Halilhodzic doit faire preuve d’ouverture et se montrer mobilisateur, faire en sorte que ces joueurs reviennent, comme le réclame la vox populi. Ou alors s’en aller. »

La popularité de l’ancien buteur du FC Nantes au Maroc est plus abîmée par les conflits avec ces internationaux que par l’élimination des Lions de l’Atlas en quart de finale de la CAN 2022, son style de jeu peu flamboyant ou ses relations tendues avec la presse locale.

Si le Maroc veut avoir des des chances de passer le premier tour au Qatar, il faut dépasser ces questions d’egos

Le double coup de pression exercé par Lekjâa sonne comme un avertissement à l’encontre d’un technicien réputé pour son intransigeance. Halilhodzic avait d’ailleurs été remercié par la Côte d’Ivoire en 2010 et le Japon en 2018 quelques mois avant la Coupe du Monde, après avoir qualifié ces deux équipes.

Sous contrat avec son staff technique jusqu’en juillet 2023, Halilhodzic, nommé juste après la CAN 2019, perçoit un salaire mensuel d’environ 100 000 euros auquel il faut ajouter de généreuses primes. Le renvoyer aurait un coût assez élevé, mais loin d’être rédhibitoire pour une fédération très à l’aise financièrement.

Premières rumeurs

Officiellement, Vahid Halilhodzic n’est pas plus affecté que ça par les déclarations de son employeur, tandis que Fouzi Lekjâa souffle le chaud et le froid à propos de son avenir à court terme. Il l’a même répété à des médias serbes auprès desquels il s’est déclaré « serein ». Le Bosnien a décidé de rester le plus discret possible et de ne pas s’étendre sur tout ce qu’il lit et entend.

Aucun contact n’a été pris avec qui que ce soit

« C’est dans son intérêt de ne rien dire. Quand la situation est un peu tendue comme c’est le cas actuellement, il sait très bien qu’une phrase malencontreuse pourrait offrir un prétexte à sa fédération pour le licencier pour faute », estime un journaliste sportif marocain.

Depuis la première sortie médiatique de Fouzi Lekjâa, des noms de potentiels successeurs à Vahid Halilhodzic circulent. Pêle-mêle, ceux de Walid Regragui, l’ancien milieu de terrain des Lions de l’Atlas et actuel entraîneur du Wydad Athletic Club Casablanca, ainsi que les Français Laurent Blanc, Claude Puel et Rudi Garcia. « Aucun contact n’a été pris avec qui que ce soit », jure une source proche du patron de la FRMF, ce que confirme l’entourage des deux derniers.

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