François l’exégète

Fawzia Zouria

Publié le 18 mars 2014 Lecture : 2 minutes.

Tout compte fait, je préfère un François Hollande qui fait de l’humour avec ses interlocuteurs musulmans plutôt que de l’exégèse. Son intervention en février dernier à l’Assemblée nationale constituante de Tunisie a pour le moins étonné. Le président français a cru bon d’y affirmer : "L’islam est compatible avec la démocratie." Grands sourires de satisfaction chez les Nahdhaouis. Stupeur dans les rangs des laïcs tunisiens : "Aurions-nous attendu quatorze siècles pour qu’un responsable français nous donne la réponse quant à une équation possible entre islam et démocratie ? a commenté, ulcéré, un historien de Tunis. Hollande pourrait nous démontrer dans la foulée que l’islam est également conciliable avec la libre-pensée, la théorie du genre et le mariage pour tous !"

C’est vrai. Personne n’a demandé à Hollande de négocier avec l’islam à la place des Tunisiens. Nul n’attend du chef de la nation symbole de la laïcité qu’il fasse référence à la religion et réintroduise Dieu dans les affaires de la cité, fût-il l’hôte d’un pays musulman. Se permettrait-il de parler d’une compatibilité du christianisme avec les valeurs modernes à Rome ou à Berlin ?

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Il s’agit là d’une attitude typique des politiques français qui consiste à tenir un double discours sur la laïcité : l’un, à usage interne, qui défend mordicus ce principe ; l’autre, dirigé vers l’extérieur, qui l’occulte. Un discours qui témoigne de la peur de l’islam chez soi ; un autre qui ménage cette croyance sur ses terres d’origine. À cela, plusieurs raisons. D’abord la volonté de faire un clin d’oeil aux musulmans de France via une sorte de "Je vous ai compris" en langage de moine ; ensuite la peur de se tromper sur les aspirations profondes des peuples musulmans et du sens de leurs luttes, comme ce fut le cas avant le Printemps arabe ; enfin, les intérêts économiques, qui dictent aux Français d’oublier les exigences de la laïcité sitôt qu’ils sont en présence d’interlocuteurs mahométans.

Ainsi les pays du Golfe s’autorisent-ils toutes sortes d’entorses aux libertés sans risquer un rappel à l’ordre. Ils peuvent lapider et opprimer au nom d’Allah : les politiques français en visite dans les émirats préfèrent parler missiles plutôt que droits de l’homme.

Or ce propos pour le moins trouble a des conséquences négatives dans l’Hexagone et contribue au rejet de l’islam par les Français. Il marque une scission entre une France frileuse, qui n’ose pas affirmer ses valeurs à l’étranger, et une France qui a besoin d’un discours clair sur les religions et sur la laïcité. Il inquiète ceux qui attendent de leurs élus qu’ils défendent les valeurs de la République qu’ils se trouvent et non en fonction du contexte. De même qu’il choque les musulmans laïcs de France qui redoutent qu’à force de chercher la bénédiction des cheikhs de Tunis ou de Djeddah la République finisse par valider le discours des imams intégristes de Toulouse ou de Paris.

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