Cameroun-Nigeria : de Yaoundé à Lagos, le bois et l’argent du bois

« Trafic de bois : les coulisses du pillage » (2/5). Depuis près de quinze ans, au Cameroun, une nouvelle loi forestière censée juguler le commerce illicite de bois précieux est en gestation. En attendant sa promulgation, le trafic se poursuit, jusqu’à la frontière du Nigeria. Plongée au cœur d’une mafia aux racines profondes.

© Montage JA : Renaud Van Der Meeren/EDJ

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Publié le 26 avril 2022 Lecture : 10 minutes.

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Trafic de bois : sur la piste d’un crime environnemental

D’Abidjan à Yaoundé, en passant par Kinshasa et Dakar, Jeune Afrique a enquêté sur le trafic de bois, un pillage qui menace le continent.

Sommaire

Nous sommes en 2008. Au palais d’Etoudi, Paul Biya prépare déjà l’élection présidentielle qui lui accordera un sixième mandat trois années plus tard. Non loin de la présidence, au ministère des Forêts et de la Faune, Elvis Ngolle Ngolle met quant à lui en branle un chantier d’envergure, celui de la gestion du domaine forestier camerounais. La loi régissant le secteur date de 1994. Une autre époque. Les bailleurs de fond, l’Union européenne (UE) en tête, demandent sa révision. Les mots de « contrôle » et de « transparence » sont prononcés, répétés, martelés. Alors, le ministre, sur instruction du chef du gouvernement Ephraïm Inoni et du président Biya, prend les choses en main, en collaboration avec le titulaire du portefeuille des Finances, Essimi Menye.

Une large concertation des acteurs de la forêt est lancée. Dirigeants d’entreprises, associations de la société civile, chefs traditionnels et fonctionnaires s’attellent à une refonte du texte de 1994. Ils ont plusieurs objectifs : mieux gérer le rapport entre l’exploitation et la conservation des forêts, impliquer davantage les populations locales dans l’économie du bois et parvenir à un meilleur contrôle de la coupe, notamment dans les petits titres forestiers qui échappent trop souvent aux yeux des pouvoirs publics. « Le but était de combler les lacunes de la loi de 1994, qui permettait à certains acteurs d’alimenter le trafic de bois », confie surtout un acteur du secteur. Les réunions s’enchaînent au siège des Forêts et de la Faune, à deux pas du luxueux hôtel Hilton.

Une année passe, puis une autre, et encore une troisième… Philippe Ngole Ngwesse a remplacé Elvis Ngolle Ngolle au ministère, et Alamine Ousmane Mey a pris place aux Finances. Philémon Yang est désormais à la primature tandis que Paul Biya a été réélu. En 2012, un projet de loi est finalement rédigé et, après relecture de comités d’experts, envoyé au palais d’Etoudi, dans l’attente de l’approbation du chef de l’État. Mais le temps, inexorablement, continue de filer. Virgules ajoutées, alinéas modifiés, formulations améliorées… En 2018, Paul Biya obtient un septième mandat. Au début de 2019, Joseph Dion Ngute devient son Premier ministre, et Jules Doret Ngondo se voit confier les Forêts et la Faune. Ephraïm Inoni est désormais locataire de la prison de Kondengui, tandis qu’Essimi Menye vit en exil aux États-Unis. Le projet de loi, lui, prend la poussière.

Une complicité d’État ?

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