Le 25 mai 1963, l’OUA voit le jour
Le 25 mai 1963, les dirigeants du continent portent l’Organisation de l’unité africaine (OUA) sur les fonts baptismaux. Envoyé spécial de JA, Béchir Ben Yahmed livre alors son analyse sur cet organisme panafricain auquel succèdera l’Union africaine (UA) en 2002.
À l’aéroport d’Addis-Abeba, dimanche 26 mai à 7 heures du matin, je regardais les chefs d’État faire leurs adieux à Haïlé Sélassié. Cinq heures auparavant seulement, ayant signé la charte africaine, ils regagnaient leur hôtel sous les acclamations.
Je me demandais, en voyant les portes des avions se fermer sur les chefs d’État, les Boeing, les Caravelle, les DC6 et les Iliouchine, décoller un à un et s’engager dans des directions différentes, ce que pensaient ces hommes qui venaient de vivre ensemble des moments importants et de prendre des engagements précis. Je me demandais aussi, l’émotion dissipée, ce qui resterait de cette grande réunion.
Maturité et jeunesse
Pour avoir vécu la conférence parmi les chefs d’État et leurs collaborateurs, je crois pouvoir dire ceci.
1. Chefs d’État, délégués, journalistes sont venus à la conférence dans l’ensemble assez sceptiques, appréhendant l’affrontement de tempéraments trop divers, le choc entre conceptions opposées de l’indépendance nationale, de l’unité africaine ou des rapports de l’Afrique avec l’étranger. Nous sommes tous repartis optimistes. Le niveau des hommes, et donc de la discussion, le désir visiblement sincère qu’ont montré les uns et les autres de s’entendre et de progresser ensemble ou, à tout le moins parallèlement, ont convaincu les plus sceptiques : l’idée de l’unité africaine a sa résonance, la solidarité africaine est une réalité, le progrès en Afrique est une sérieuse possibilité.
Les différences entre Africains blancs et Africains noirs, entre anglophones et francophones existent, mais elles ont tendance à s’estomper devant le passé colonial commun, le présent semblable et un avenir nécessairement interdépendant.
2. Les chefs d’État présents avaient une moyenne d’âge de 50 ans environ. L’Éthiopie, le Liberia et l’Égypte mis à part, les vingt-neuf autres pays africains sont indépendants depuis seulement quatre ou cinq ans. C’est assez pour que, les déboires et les difficultés aidant, apparaisse déjà une maturité certaine alliée à une jeunesse de sentiments très bien venue.
Oligarchies cruelles et stupides
3. Il était à craindre que l’Afrique ne suive la voie de l’Amérique du Sud et du Moyen-Orient : les oligarchies cruelles et stupides bien accrochées au pouvoir n’empêchent pas l’instabilité politique, le tout favorisant la stagnation économique et la mainmise de l’étranger. Il semble bien que ce danger soit en grande partie et presque partout conjuré.
Certes, bien peu de pays africains sont proches du décollage économique, bien peu forment suffisamment de cadres pour se libérer du néocolonialisme de fait, bien peu réussissent à assurer chez eux le respect de la personne humaine, la démocratie politique et sociale, bien peu ont résolu le problème que pose une jeunesse exigeante. Mais tous ou presque cherchent, à travers une voie socialiste ou une autre, à y parvenir. Dans tous existent des forces réelles qui poussent au progrès et à la démocratie.
Le dialogue qui s’est instauré à Addis-Abeba entre les chefs d’État, la charte [de l’OUA] elle-même, traduisent éloquemment cette « unité dans la diversité » qui est apparue d’une manière éclatante, la semaine dernière, et qui ne demande qu’à se développer naturellement, ni trop vite ni trop lentement.
Cette plante, il faut maintenant la nourrir d’eau claire et pure. Ni trop : on la noierait ; ni trop peu : elle s’étiolerait.
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