Moïse tout-puissant
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 1 avril 2014 Lecture : 2 minutes.
Elle est à l’image de l’homme qui l’a fait renaître. Élu, puis nommé gouverneur du Katanga il y a tout juste sept ans, Moïse Katumbi Chapwe a une gueule d’acteur, un sourire d’adolescent et une énergie contagieuse. Né d’un père italien d’origine juive séfarade et d’une mère congolaise issue d’une famille royale bemba, cet opérateur économique hors norme, populiste et généreux, malin et redoutablement organisé, auquel notre ami Thierry Michel a consacré un film passionné, avait juré de gérer la capitale provinciale comme une entreprise, en mêlant rigueur et paternalisme. Le seul moyen, pensait-il, de redonner à cette belle endormie sa fierté d’antan. Pari réussi : l’ancienne Élisabethville, que Mobutu n’aimait pas pour avoir été la matrice d’une sécession au début des années 1960, mais qui fut la pompe à finances de sa propre fortune, a retrouvé son orgueil et sa spécificité.
Loin de la moiteur, des fièvres et de l’agitation kinoises, Lubumbashi se veut policée, ordonnée, susurrée et surtout efficiente. À l’ombre de son terril-symbole, la cité respire le business. Dans les bureaux, dans les salons de l’hôtel Grand Karavia, là où l’on parle anglais et swahili plus que français et lingala, les affaires se traitent avec l’Afrique australe, le Golfe, l’Inde ou la Chine, au coeur du "mainstream" de la mondialisation. Ville morte il y a encore dix ans, L’shi la minière se sent pousser des ailes.
À l’instar de son Moïse, dont la popularité, mais aussi les ambitions politiques supposées ("où s’arrêtera-t-il ?") suscitent bien des jalousies, Lubumbashi et son dynamisme parfois arrogant font des envieux. À Kinshasa bien sûr, au sein d’une classe politique volontiers venimeuse à l’encontre de ceux qui réussissent, mais aussi au Katanga même. Tragiques, les récents affrontements entre l’armée congolaise et les miliciens Bakata-Katanga dans le "triangle de la mort" de Pweto, qui ont fait leur lot de victimes et de réfugiés, traduisent le déséquilibre et les vieilles dissensions entre le nord de la province, qui s’estime délaissé, et le Sud, prospère et tenaillé par les démons de l’autonomie, si ce n’est de l’indépendance.
Tout comme le gouverneur protéiforme et énigmatique qui lui sert de mentor, Lubumbashi est donc condamnée à absorber ces tensions en équilibre sur un fil. À ravaler aussi un peu de son hubris, afin de devenir la ville modèle – et aimée – du Congo de demain. L’exemple, après tout, est à portée de main. Propriété de Moïse Katumbi, fierté de Lubumbashi et club phare de la région, le Tout-Puissant Mazembe et son vol de Corbeaux font rêver toute la nation.
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