Salaheddine Mezouar : « L’approche du Maroc s’inscrit dans une logique de partage »
Du 18 février au 7 mars, le roi Mohammed VI s’est rendu au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Gabon. Une tournée africaine à forte tonalité économique dont le ministre des Affaires étrangères du royaume, Salaheddine Mezouar, fait le bilan. Interview.
![Salaheddine Mezouar, chef de la diplomatie marocaine. © Hassan Ouazzani pour J.A.](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2014/03/24/014032014150946000000JA2775p047.jpg)
Salaheddine Mezouar, chef de la diplomatie marocaine. © Hassan Ouazzani pour J.A.
C’est dans une loge du stade de l’Amitié de Libreville que le chef de la diplomatie marocaine a reçu notre envoyé spécial, à qui il a explicité la vision royale pour le continent. Vision qu’il a "la charge de porter et de concrétiser". Entretien avec un "homme heureux", conforté dans sa conviction que le Maroc a une belle page d’histoire à écrire avec ses partenaires.
Jeune Afrique : Quel premier bilan faites-vous de la tournée royale de trois semaines ?
Salaheddine Mezouar : Cette visite vient confirmer les liens d’amitié sincère qui lient le Maroc aux pays subsahariens amis. Il convient aujourd’hui de franchir un nouveau palier dans nos relations avec nos partenaires, axées autour des enjeux et des défis de demain. Nous devons tous oeuvrer à repositionner notre continent dans les enjeux du monde de demain.
Le discours royal lors du forum d’affaires d’Abidjan avait une tonalité nouvelle, très économique…
Sa Majesté a partagé ses convictions : le monde d’aujourd’hui impose à l’Afrique plus de pragmatisme. Nous nous devons d’être plus concrets, plus entreprenants. En outre, ce dynamisme prend la forme d’un partenariat Sud-Sud stratégique, prôné, voulu et encouragé par Sa Majesté. La diplomatie économique est une priorité qui avait été réaffirmée par la conférence des ambassadeurs, en août dernier.
Par ailleurs, notre approche s’inscrit dans une logique de partage et d’échange d’expériences. Je vous répéterai un passage fort du discours royal : "L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique." C’est un message simple mais exigeant. Pour nous tourner vers un futur radieux, nos élites doivent se prendre en main, car l’Afrique regorge de ressources naturelles et humaines.
Vous avez été ministre, patron, et avez une expérience à l’international. Quelle est l’attitude des entrepreneurs envers leur continent ?
Permettez-moi de marteler ce qui me semble une évidence : les acteurs privés sont indispensables à un véritable développement économique. D’ailleurs, le renforcement du secteur privé au Maroc, depuis une douzaine d’années, va de pair avec le renforcement de notre présence continentale. Le Maroc est aujourd’hui le premier investisseur en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Une dynamique a été enclenchée, elle doit encore s’accélérer. Je voudrais être très clair sur un point : nous cherchons à investir sur le long terme pour nos populations, nous ne cherchons pas des profits à court terme. Le Maroc n’est pas partisan de la stratégie du one shot.
Sa Majesté a mis en avant deux engagements importants : le développement humain et la culture.
Qu’est-ce que le Maroc a à offrir ?
Sa Majesté a mis en avant deux engagements importants : le développement humain et la culture. Grâce à son expérience (microcrédit, développement rural, accès à l’eau et à l’énergie), le Maroc peut apporter des solutions concrètes à des défis qu’il connaît bien. Ensuite, nous sommes convaincus que les dimensions culturelles et cultuelles participent de la stabilité et du développement. L’islam malékite prôné par le Maroc est partagé de longue date par de nombreux pays africains. Il n’y a qu’à voir les interactions entre le Commandeur des croyants et les populations. L’extrémisme a toujours été étranger à notre culture, ce n’est pas une fatalité. D’où l’action que nous déployons pour former les imams et structurer le champ religieux.
Quel impact attendez-vous de cette visite sur le dossier du Sahara occidental à un mois d’un vote à l’ONU ?
À chaque fois que l’échéance de renouvellement du mandat de la Minurso approche, il y a de la fébrilité. Mais le Maroc ne peut pas bâtir sa vision internationale, ses différentes politiques en fonction de ce rendez-vous. Ce serait dangereux et sans ambition. Le rôle du Maroc en Afrique n’est plus contesté. L’Union africaine a commis une erreur historique, qu’il faudra corriger un jour. Pour régler ce différend artificiel, nous proposons une solution réaliste, reconnue comme telle par tous nos interlocuteurs lors de cette visite. Arrêtons de jouer avec le feu !
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