Burundi : à Bujumbura, motos et tuk-tuk non grata
La circulation des vélos, motos et autres tuk-tuk est interdite dans Bujumbura depuis le 21 mars. La mesure est très respectée, mais, sans aucune alternative, se déplacer est devenu un casse-tête quotidien.
Burundi : petit État, grandes ambitions
Après l’élection d’Évariste Ndayishimiye, en 2020, cet État d’Afrique de l’Est reprend progressivement sa place sur la scène internationale. Et compte désormais attirer des investisseurs, condition indispensable à la relance économique.
Depuis quelques semaines, Bujumbura, la grande métropole du Burundi, est le royaume de la marche à pied. Une activité salutaire, certes, mais qui n’a rien d’un choix pour la majorité de la population de la capitale économique. Depuis le 21 mars, en effet, les vélos, motos et autres tuk-tuk sont interdits de circulation en ville, qu’ils soient taxis ou appartiennent à des particuliers.
Le réseau de bus étant incapable de transporter les 1,2 million d’habitants, et les taxis (voitures, donc) pratiquant des tarifs inaccessibles à une bonne partie de la population – surtout en cette période de pénurie d’essence, qui voit les chauffeurs contraints de réajuster leurs prix à la hausse –, la seule solution est de marcher. Matin et soir, des pelotons de marcheurs arpentent les principales avenues – parfois sur de très longues distances pour celles et ceux qui travaillent dans le centre-ville et habitent dans sa périphérie. Des groupes se sont même montés sur WhatsApp, permettant aux voisins de faire le chemin ensemble. Tous à pied.
Trop d’accidents
À l’origine de cette mesure radicale d’interdiction en ville des deux-roues (dont le nombre était estimé à 20 000) : la pléthore d’accidents provoqués par les motos-taxis, dont les conducteurs semblaient avoir une conception on ne peut plus floue du code de la route. Et, pour certains d’entre eux, une maîtrise tout aussi floue de leur monture.
« C’est vrai qu’il y avait pas mal d’accidents, soupire un chauffeur de taxi coincé dans les embouteillages du boulevard du 1er-Novembre. Certains conducteurs étaient des jeunes tout juste arrivés de province, qui ne connaissaient pas la ville et avaient acheté leur permis sans passer le moindre examen. Mais tout interdire !… Ce n’était pas la solution. Il aurait fallu mieux les encadrer. »
« Absurde »
Pour les organisations de défense des droits, l’interdiction est la suite logique de celle de la vente à la sauvette de fruits sur les trottoirs – activité informelle majoritairement pratiquée par des femmes aux revenus très modestes, auxquelles aucune alternative n’a été proposée depuis. Dans les deux cas, le but serait de « nettoyer » la métropole, de lui donner une allure plus respectable et moderne.
« Tout cela est symbolique de la façon dont les décisions sont prises dans notre pays », déplore Faustin Ndikumana, le président de l’association Parcem (Parole et action pour le réveil des consciences et évolution des mentalités), l’une des principales organisations de la société civile plaidant pour une meilleure gouvernance. « La circulation est théoriquement du ressort du ministère des Transports, mais c’est l’Intérieur qui a décidé d’interdire tous les deux-roues, pas seulement ceux qui ont une vocation commerciale, poursuit-il. C’est absurde et cela a chamboulé tout le système de transports de la ville. Une fois de plus, personne ne s’est soucié des conséquences. » Et pendant ce temps, les Bujumburais marchent.
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