Rwanda – Afrique du Sud : brouille et embrouilles
Un opposant rwandais assassiné en janvier, un autre qui en a réchappé de justesse ces jours-ci, le tout sur le sol sud-africain… C’en est trop pour Pretoria, qui l’a fait vertement savoir à Kigali.
Expulsions croisées de diplomates, accusations réciproques, suspension de la délivrance de visas… Depuis le 12 mars, les relations entre Pretoria et Kigali n’ont jamais été aussi tendues. Ce jour-là, pour la première fois, les autorités sud-africaines ont accusé des diplomates rwandais d’être complices d’une tentative d’assassinat sur leur sol. "Il n’est pas question qu’on se serve de notre pays comme d’une base pour mener des activités illégales", a lancé Jeff Radebe, le ministre de la Justice.
Quelques jours plus tôt, un groupe d’hommes en armes s’était introduit dans la résidence – fournie et en théorie protégée par l’État sud-africain – du dissident rwandais Faustin Kayumba Nyamwasa, qui était absent. Sans les rendre publiques pour l’instant, l’Afrique du Sud affirme détenir des preuves incriminant des diplomates rwandais. Il les a expulsés, avant que le Rwanda ne lui rende la pareille.
Le statut de réfugiés politique pour les dissidents du RNC
Les relations bilatérales n’ont pourtant pas toujours été mauvaises. "À la fin des années 1990, quand Kinshasa et Kigali étaient en guerre, les Congolais accusaient Mandela d’être favorable aux Rwandais, rappelle le chercheur américain Jason Stearns, spécialiste de la région des Grands Lacs. La situation s’est inversée par la suite, surtout avec l’arrivée au pouvoir de Jacob Zuma. Pour des raisons personnelles et stratégiques, il a fait le choix de l’alliance avec la RD Congo."
Les Sud-Africains ont tout fait, en 2013, pour mobiliser la communauté internationale en faveur de Kinshasa.
Les Sud-Africains ont ainsi tout fait, en 2013, pour mobiliser la communauté internationale en faveur de Kinshasa, alors aux prises avec les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23) – parrainés par Kigali selon Pretoria -, allant jusqu’à envoyer leurs propres soldats au sein de la mission des Nations unies pour les traquer.
Mais c’est surtout le sort des dissidents du Congrès national du Rwanda (RNC) qui est à l’origine de la brouille. Plusieurs responsables de ce parti – des militaires jadis proches du président rwandais Paul Kagamé pour la plupart – ont en effet obtenu le statut de réfugié politique en Afrique du Sud. En 2010, Kayumba Nyamwasa, cofondateur du RNC, a été la cible d’une première tentative d’assassinat en pleine Coupe du monde de football. Le 1er janvier dernier, Patrick Karegeya, un autre cofondateur de ce mouvement, a été retrouvé étranglé dans une chambre d’hôtel de Johannesburg.
"La trahison a des conséquences"
Si le gouvernement rwandais a démenti toute responsabilité dans ces "accidents" en série, il ne fait pas mystère de sa volonté d’en finir avec le RNC, mouvement terroriste à ses yeux. Il l’accuse notamment d’être lié aux attentats à la grenade qui frappent périodiquement la capitale rwandaise, ou d’entretenir des liens avec les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ses ennemis jurés. Après l’assassinat de Karegeya, Kagamé avait averti, dans un discours en kinyarwanda, que "la trahison avait des conséquences", donnant à penser que le profil de ces ex-militaires, susceptibles d’avoir gardé des contacts dans l’armée, inquiétait particulièrement Kigali.
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