Afrique et condition féminine
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 13 mars 2014 Lecture : 3 minutes.
Le 8 mars, comme d’habitude, le monde a célébré dans "la joie et l’allégresse" la Journée de la femme. Mais je ne suis pas sûr que les femmes de mon village, quelque part dans le Kasaï-Oriental, soient au courant de l’existence d’une aussi belle journée. Qui a eu la géniale idée de l’instaurer ? Un homme sans doute, convaincu que cela peut contribuer à l’amélioration de la condition du sexe faible, ou, si vous préférez, du deuxième sexe. S’il y a un deuxième sexe, c’est qu’un premier sexe existe et un troisième. Les connaissez-vous ? Passons. Toujours est-il que, comme l’a chanté quelqu’un, la femme est l’avenir de l’homme. Et moi j’ajoute : l’homme reste l’enfant de la femme.
Dans beaucoup de pays, l’eau potable est une denrée rare. Comme il en manque fréquemment, les femmes sont condamnées à parcourir de longues distances un seau, une bassine, un bidon sur la tête, à la recherche du précieux liquide dont leur famille a besoin. Avouez que c’est éreintant. J’estime, pour ma part, qu’une telle tâche devrait être réservée aux hommes, le sexe fort.
Les hommes, ces fainéants, attendent d’être servis comme des rois.
Dans beaucoup de pays, des millions de ménages ne disposent pas encore de tous ces jolis robots qui hachent, broient, mixent ce dont les dames ont besoin pour concocter de délicieux plats. Dans ces pays-là, les femmes utilisent des mortiers et des pilons pour réduire en poudre manioc, maïs, mil et d’autres ingrédients, avant de les transformer en pâte, pour le plus grand plaisir des maris et des enfants. Or il me semble que ce travail harassant devrait être réservé aux hommes, dont les gros bras impressionnent. Au lieu de cela, ces fainéants attendent d’être servis comme des rois.
Journée de la femme, le 8 mars ? Je veux bien. En même temps, il se passe des choses inqualifiables ici et là. Comme l’excision et l’infibulation qu’on justifie au nom de traditions. Mais les traditions sont-elles immuables, quand on sait que même les baobabs finissent par tomber ? Au Kenya, des exciseuses gagnent 250 euros par jour. Faites le calcul. Hommes et femmes sont complices dans cette forfaiture. Une jeune femme instruite, "moderne", à qui je demandais un jour son avis sur l’excision dans son pays, quelque part en Afrique de l’Ouest, m’a répondu sans détour : "Je suis moi-même excisée et je ne m’en plains pas. Si un jour j’ai une fille, je la ferai également exciser."
Savez-vous que, au moment où j’écris ces lignes, de nombreuses femmes, dans certains pays, n’ont pas le droit de voyager ou d’ouvrir un compte bancaire sans l’aval de leur mari ? Que, quelque part en République démocratique du Congo, une femme a été nommée ministre dans un gouvernement provincial et que son "parrain", tel un membre de la Camorra napolitaine, a exigé qu’elle lui verse chaque mois une partie de son salaire ? Que des mères maquerelles nigérianes envoient des jeunes filles de leur pays faire le trottoir en Europe ? Que des étudiantes en journalisme, une fois leurs études achevées, préfèrent travailler à la télévision pour attirer sur elles l’attention des hommes ? Femme, libère-toi toi-même. Je te le dis : ton existence ne dépend pas de l’homme. Ni du 8 mars, qui n’est qu’une date symbolique parmi d’autres.
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Par Tshitenge Lubabu M.K.
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