Madagascar : Hery, la doublure de Rajoelina, se rebiffe
Il aurait dû n’être que l’homme lige d’Andry Rajoelina. Mais, loin de satisfaire les attentes de celui à qui il doit son élection à la présidence de Madagascar, Hery entend gouverner à sa guise.
Il devait être le candidat qui permettrait à Andry Rajoelina de garder la main sur le pouvoir, peut-être même de s’emparer de la primature – véritable lieu de décision depuis l’adoption de la nouvelle Constitution. Un "président-parenthèse" en attendant la présidentielle de 2018 et le retour en grâce de l’homme fort de la Transition. Mais depuis que l’élection de Hery Rajaonarimampianina a été officialisée, le 17 janvier, rien ne se passe comme prévu. Non content d’ignorer son prédécesseur – celui sans le soutien duquel il n’aurait probablement jamais été élu -, Hery a fait en sorte de le marginaliser. Pis : il a entrepris un rapprochement avec l’ennemi juré, l’ancien président Marc Ravalomanana. "Hery nous a trahis !" s’irrite un proche de Rajoelina. "Il n’a jamais rien promis à qui que ce soit", rétorque un collaborateur du nouveau président.
"Aller vers celui qui n’a jamais été mon ami"
Le premier jalon de ce divorce, que l’entourage de l’ancien ministre des Finances de la Transition avait promis (en off) durant la campagne mais auquel personne n’avait vraiment cru, a été posé le 25 janvier, lors de son investiture. Ce jour-là, dans un passage très largement inspiré d’un discours de Nicolas Sarkozy datant de 2007, Hery annonce la couleur : "Je demande à mes amis qui m’ont accompagné jusqu’ici de me laisser libre, libre d’aller vers les autres, vers celui qui n’a jamais été mon ami […] et qui parfois nous a combattus." Quatre jours plus tard, il passe aux actes. Au cours de son premier Conseil des ministres, il récuse deux des principaux collaborateurs de Rajoelina : Haja Resampa, le secrétaire général de la présidence, et Rija Rajohnson, le directeur de cabinet. Il supprime également la Direction de la sécurité du territoire (DST) et la Force d’intervention spéciale (FIS), deux organes qui avaient vu le jour avec l’avènement de la Transition et que certains, y compris au sein du corps diplomatique en poste à Antananarivo, considéraient comme des milices au service de Rajoelina.
Les jours suivants, Hery indique qu’il portera une attention particulière à la lutte contre le trafic de bois de rose, dans lequel des proches de l’ancien président sont soupçonnés de tremper. Il s’entoure même lors de ses sorties publiques de quelques conseillers de Ravalomanana.
Dans le même temps, les lieutenants du nouveau président entreprennent de se rapprocher de la mouvance de Ravalomanana dans le but de créer un groupe majoritaire à l’Assemblée nationale et de damer le pion au Mapar, la plateforme de soutien à Rajoelina, qui compte le plus grand nombre de députés. Ils échouent. Christine Razanamahasoa, ex-ministre de la Justice et candidate soutenue par l’ancien président, est élue au perchoir le 19 février. Mais lorsque le Mapar, conformément aux recommandations de la Haute Cour constitutionnelle (HCC), propose le nom de Resampa pour occuper le poste de Premier ministre, Hery se braque. "Le processus de nomination du Premier ministre doit être mené de manière concertée", rétorque-t-il, provoquant la colère de Rajoelina. "Il ne veut pas de Resampa, explique un proche. Il ne veut pas d’un homme qui a joué un rôle sous la Transition. D’ailleurs, la communauté internationale n’en veut pas non plus." Dans l’entourage du président, on assure qu’il ne s’agit pas de provoquer un affrontement : "Nous sommes prêts à travailler avec le Mapar. Mais nous ne voulons pas en être dépendants. Ce n’est pas à Rajoelina de nous dicter la politique à mener."
Comme si cela ne suffisait pas, Hery a pris un malin plaisir à confirmer dans ses fonctions le Premier ministre de la Transition, Omer Beriziky, que l’entourage de Rajoelina honnit. Anticipant une passe d’armes juridique avec le Mapar et une nouvelle crise institutionnelle, il a précipité, le 27 février, la nomination de trois nouveaux membres de la HCC (qui en compte neuf). Une situation que le constat d’un diplomate africain sur place résume bien : "On n’est pas sortis de l’auberge."
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