Libye : Saadi Kadhafi, aller simple pour Tripoli

Depuis son exil nigérien, Saadi Kadhafi, le fils du « Guide » défunt, fomentait des troubles en Libye. Pour le président Mahamadou Issoufou, qui lui avait accordé l’asile, la coupe était pleine : il l’a livré aux autorités de son pays.

Barbe et crâne rasés, lors de l’incarcération de Saadi Kaddafi à Tripoli, le 6 mars. © HO/AFP

Barbe et crâne rasés, lors de l’incarcération de Saadi Kaddafi à Tripoli, le 6 mars. © HO/AFP

Publié le 12 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

Jeudi 6 mars, 2 h 50. Un avion se pose sur le tarmac de l’aéroport militaire de Mitiga, à Tripoli. À son bord, Saadi Kadhafi. Visage fermé, barbe longue, le troisième fils du dictateur défunt (40 ans) est remis à la police judiciaire, puis conduit à la prison d’Al-Habda. Comme avant lui Abdallah Mansour, l’ex-chef des services des renseignements libyens, extradé du Niger, le 14 février.

À l’aube, dans les grandes villes, de nombreux Libyens fêtent la nouvelle. Saadi le play-boy, acteur raté à ses heures, footballeur sans talent (il jouait en Italie) et dopé était surtout réputé pour sa brutalité. Son surnom de l’époque ? "Le hooligan".

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Saadi devient un fardeau

Jet-setteur noctambule, il dirigeait de jour, en tant que colonel, les redoutables unités des forces spéciales qu’il avait créées en 2005 et qui furent en pointe lors de la révolte de 2011. À l’issue de celle-ci, Mahamadou Issoufou, le président nigérien, jadis proche de Kadhafi, lui accorde l’asile pour des "raisons humanitaires", mais lui demande d’abandonner toute activité politique. Saadi n’obtempère pas et devient vite un fardeau.

Pourtant assigné à résidence dans une confortable propriété de l’État, il poursuit sa vie dissolue dans les discothèques de Niamey. Redoutant alors un réchauffement – facilité par Paris – des relations entre le Niger et la "nouvelle Libye", ses avocats et soutiens échouent à le faire transférer en Ouganda, en Tanzanie ou en Afrique du Sud. Courant 2012, il contracte un "mariage stratégique" avec une Touarègue du Niger, dont la famille a longtemps vécu dans le Sud libyen. Saadi est en contact quotidien avec le premier cercle de l’ex-"Guide", qui fourbit ses armes. Mais tout comme celles d’Abdallah Mansour, ses communications électroniques sont interceptées par Tripoli, sans doute avec l’aide de ses partenaires occidentaux.

Régulièrement, les deux hommes évoquent une opération sensible en cours en Cyrénaïque, censée permettre aux Kadhafistes de se renflouer financièrement et de déstabiliser un peu plus la nouvelle Libye. Elle consiste à vendre clandestinement le pétrole contrôlé par Ibrahim el-Jadhran, un ennemi d’hier (il fut emprisonné sous Kadhafi) avec qui Saadi et ses affidés pactisent désormais, unis par l’appât du gain et la soif de pouvoir. À la tête d’une milice de plusieurs milliers d’hommes, ce rebelle "fédéraliste" de 31 ans bloque depuis août dernier les terminaux pétroliers de l’Est, infligeant à Tripoli des pertes qui se chiffreraient en milliards de dollars.

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L’ex-flambeur a retrouvé sa fibre militaire

Fin 2013, le Niger contraint Saadi à s’engager par écrit à mettre un terme à ces activités subversives. Mais l’ex-flambeur, désormais confit en religion, a retrouvé sa fibre militaire : ses partisans tentent une dernière percée. Ces derniers mois, de violents affrontements ont eu lieu dans la région de Sebha, où les caciques de l’ancien régime, qui ont noué des alliances avec des tribus, montent des opérations de déstabilisation. Un autre front est ouvert à la frontière tunisienne, au passage de Ras el-Jedir, où l’on signale la présence, en janvier, de combattants Kadhafistes venus du Sud. Ce que Tripoli confirme, preuves à l’appui, aux autorités nigériennes. C’en est trop pour Issoufou, qui prend la décision d’extrader cet hôte embarrassant.

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Aujourd’hui, à Niamey, on se dit soulagé, d’autant que près de 500 000 Nigériens vivant en Libye se sentaient exposés à des représailles. "Cette extradition est la suite logique de celle d’Abdallah Mansour, confie Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères. Notre ligne était claire : à partir du moment où des preuves étayées nous seraient fournies, nous les extraderions."

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