Un nouveau Moyen-Orient

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 13 mars 2014 Lecture : 5 minutes.

Les prochaines semaines seront riches en échéances et nous promettent des surprises, voire des coups de théâtre.

Mars : les élections, fussent-elles municipales, qui se tiendront à la fin du mois en France et en Turquie seront abondamment commentées, car leurs résultats conditionneront l’avenir de ces deux pays de moyenne importance.

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Avril : le mois sera marqué par des élections, législatives celles-ci, mais importantes tout de même, en Indonésie (9 avril) et en Irak (30 avril), tandis que des présidentielles mettront en jeu le destin d’un pays en guerre, l’Afghanistan, dès le 5 avril, et celui de l’Algérie (le 17 avril).

Elles précéderont des élections générales dans l’Afrique du Sud post-Mandela (le 7 mai).

Dans moins de deux mois, la carte politique de ces pays aura été reconfigurée par ces scrutins, pluralistes mais plus ou moins transparents et honnêtes.

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Les principaux changements à venir ne procéderont cependant pas de joutes électorales. Et leurs effets se feront ressentir d’abord et surtout dans cette région ultrasensible qu’est le Moyen-Orient, dont la carte géographique elle-même en sera refaçonnée.

Le secrétaire d’État américain, John Kerry, doit dévoiler, en mars ou en avril, l’ossature de son plan de règlement des conflits israélo-palestinien et israélo-arabe. Rien de moins !

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À vrai dire, il ne s’agit pas d’un ensemble de propositions sur lesquelles les parties se seraient mises d’accord mais seulement de propositions américaines. Élaborées par John Kerry et son équipe, elles seront soumises aux parties comme bases de la négociation à laquelle on les invite en vue d’un accord définitif auquel elles devront parvenir par elles-mêmes.

Des fuites dans la presse ont donné une idée du contenu de ce plan. Mais sa publication aura tout de même les effets d’un séisme. 

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Il sera farouchement rejeté par certains et, dans le même temps, emportera l’adhésion inattendue de politiciens qui auraient dû lui marquer la plus ferme des oppositions. Avigdor Lieberman, le chef de l’extrême droite israélienne, en étonnera plus d’un en donnant son appui à la démarche et à la personne de John Kerry.

L’autre surprise sera de constater qu’une partie appréciable des Juifs de la diaspora en Europe – mais aussi, et surtout, aux États-Unis – apportera son soutien à ce qui pourrait devenir le plan américain pour refaçonner le Moyen-Orient.

En Israël, ce seront les intellectuels qui seront les meilleurs soutiens de cette initiative américaine sans précédent.

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Si ce plan prenait racine, ce serait un miracle dans une région qui en a déjà connu un certain nombre. Il constituerait, près de quinze ans après les paramètres de Bill Clinton (en 2000) et l’offre arabe de paix à Israël (en 2002), la base d’une solution à un conflit qui paraissait inextricable.

La mise en application de cette solution prendrait du temps, mais, en tout état de cause, le mérite en reviendrait à John Kerry.

En revanche, si le plan américain s’enlisait dans les sables du Moyen-Orient, on porterait ce nouvel échec au débit de la politique étrangère d’Obama.

Arrivant après les coûteux désastres qu’ont été pour les États-Unis les guerres d’Irak et d’Afghanistan, un tel échec conforterait l’inclination américaine à se désengager du Moyen-Orient, en tout cas de sa partie arabe.

On parle de plus en plus de ce désengagement parce qu’il a été rendu possible, depuis peu, par l’indépendance énergétique naissante des États-Unis grâce à l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste nord-américains.

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Nous assisterons, parallèlement, à une plus grande implication française dans la région, tout aussi inattendue que l’a été l’engagement français en Afrique subsaharienne.

On ne s’attendait pas que la France du président Hollande, en y engageant plus de 5 000 militaires, devienne "le gendarme de l’Afrique". Un tel engagement est pourtant en train de se réaliser ; il est déjà dans sa deuxième année et semble durable.

Tout se passe au Moyen-Orient comme s’il y avait, déjà en cours de réalisation, un "plan Hollande" pour faire de la France l’allié politique et militaire des pétromonarchies arabes aux côtés des États-Unis.

En accord avec ces derniers, auxquels elle se substituera en partie pour leur permettre de se retirer.

Les présidents américain et français s’en sont entretenus et le nombre de visites effectuées par François Hollande dans les monarchies arabes le confirme.

Au Moyen-Orient demain comme en Afrique aujourd’hui, la France se glisse à la place du Royaume-Uni comme premier allié politico-militaire des États-Unis d’Amérique.

Elle prend en charge une partie de leur fardeau, mais hérite en même temps des avantages de ce rôle.

Les États-Unis ? Ils concentrent désormais leur intérêt et leurs efforts sur les trois grands pays non arabes de la région : Israël, Turquie, Iran. Et garderont l’Égypte dans leur orbite.

S’agissant de ce dernier pays, le président Obama n’a pas encore arbitré entre, d’une part, ses collaborateurs de la Maison Blanche, qui soutiennent la démocratie, et, d’autre part, le département d’État et le Pentagone, qui, eux, appuient l’armée égyptienne et approuvent l’élimination des Frères musulmans.

Il le fera après l’élection présidentielle égyptienne, dont la date n’est pas encore fixée mais qui devrait se tenir dans les deux mois qui viennent.

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La carte du Moyen-Orient et les frontières de ses États sont encore, en 2014, celles qu’ont tracées il y a un siècle le Royaume-Uni et la France, alors puissances mondiales.

Se partageant les futures dépouilles de l’Empire ottoman, Londres et Paris ont installé leurs "Arabes de service", couronnés rois, à la tête de pays artificiellement créés et découpés.

Une guerre mondiale plus tard, les États-Unis ont pris sous leur aile l’Arabie des Saoud (et du pétrole) ; ils ont ensuite peu à peu remplacé l’influence française et britannique par la leur, attirant du même coup, guerre froide oblige, l’URSS et ses gros sabots.

Israël s’est installé dans la région à partir de 1948 et n’a cessé de s’étendre territorialement jusqu’à ce jour…

Tout indique que "l’équilibre né de cette somme de déséquilibres" a fait son temps et que se met en place, tout doucement, mais dans la douleur et les larmes, une nouvelle carte du Moyen-Orient.

Son architecte se nomme John Kerry.

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