Esprits pragmatiques
C’est le signe d’une forte proximité. Le président tchadien, Idriss Déby Itno, et le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, se tutoient et s’appellent sur leur téléphone personnel presque toutes les semaines. Mieux, ils se sont vus quatre fois à N’Djamena entre la fin du mois de décembre et la mi-février.
Comme leur ministre, les militaires français apprécient Déby Itno, qu’ils connaissent de longue date. Ils louent la valeur ajoutée que son armée apporte à la lutte contre les groupes jihadistes au Mali et vantent la complicité nouée avec le Tchad en Centrafrique. "Nous avons eu besoin de lui pour faire passer un certain nombre de messages à la Séléka", souligne-t-on dans l’entourage de Le Drian. Ancien chef d’état-major de l’armée, Déby Itno est sans doute encore plus heureux qu’il n’y paraît de travailler avec ses nouveaux interlocuteurs parisiens. Il n’est d’ailleurs pas le seul chef d’État africain à revenir en grâce avec la montée en puissance des militaires dans la gestion des affaires africaines. C’est aussi le cas de Denis Sassou Nguesso.
Dernièrement, Jean-Yves Le Drian a dû modifier le calendrier de sa tournée africaine pour être présent au Congo le 11 février et prendre part aux célébrations du 25e anniversaire du protocole de Brazzaville sur la paix en Afrique australe. Le chef de l’État congolais avait déjà reçu le ministre de la Défense, bras droit de Hollande, en janvier à Brazzaville pour discuter de la situation en Centrafrique et préparer l’après-Michel Djotodia. Déby Itno et Sassou Nguesso ont été reçus au palais de l’Élysée avec faste et considération. Et ce n’est pas un hasard. Ils font désormais aujourd’hui partie du quinté des présidents africains proches de Hollande.
Il s’agit d’un véritable retournement de situation. Au seuil du quinquennat, des ONG et des opposants avaient parié sur le bannissement de ces deux chefs d’État. Certains allaient même jusqu’à soutenir que Déby Itno, Sassou Nguesso et le Camerounais Paul Biya trouveraient porte close au nom de la rupture des relations entre la France et l’Afrique.
En pragmatiques avertis, les militaires ne s’embarrassent pas des leçons de démocratie ou de bonne gouvernance lorsqu’ils s’entretiennent avec les chefs d’État africains.
À N’Djamena, Niamey, Brazzaville, Libreville, on apprécie. Quant aux opposants, ils ricanent, quand ils ne crient pas à la trahison. Les relations entre la France et le continent ne parviendront ainsi jamais à satisfaire tout le monde. C’est leur part de mystère, prenons-les comme elles sont.
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