En Israël, « on laisse les immigrés végéter, juste pour les dégoûter »

Nombreux sont les émigrés qui se réfugient dans le pays pour fuir la pauvreté et la guerre. Mais rien n’est fait pour les intégrer. Au contraire.

Manifestation des demandeurs d’asile africains à Tel-Aviv, en février. © Heidi Levine/Sipa

Manifestation des demandeurs d’asile africains à Tel-Aviv, en février. © Heidi Levine/Sipa

Publié le 13 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

L’école-lycée Bialik-Rogozin, dans le sud de Tel-Aviv, accueille 970 élèves de 5 à 18 ans. Ils viennent du quartier et de celui, voisin, de Neve Sha’anan. Particularité : ils sont originaires de 51 pays différents, même si certains sont nés en Israël. Tel-Aviv vit coupé en deux par le boulevard Rothschild. Le Sud est populaire, c’est là que s’installent en majorité les migrants venus d’Europe de l’Est, d’Asie et d’Afrique. À Bialik-Rogozin (Haim Nahman Bialik est le grand poète national), 5 % des enfants sont des réfugiés et 15 % attendent d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

Pour le proviseur Eli Nechama, 2012 a été une année mouvementée : des manifestations de riverains contre les migrants ont créé un climat tendu, et, quelques mois plus tard, 35 élèves ont été expulsés. Originaires du Soudan du Sud, ils venaient de perdre leur statut de demandeur d’asile après la proclamation de l’indépendance à Djouba : "Je me suis posé des questions sur ma mission ici, cette séparation a été très dure à vivre. La capitaine de notre équipe de basketball, qui a été championne d’Israël, a dû partir."

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Pays d’immigration pour les Juifs du monde entier, Israël a visiblement plus de difficultés à intégrer des non-Juifs. Oscar Olivier, un Congolais installé à Tel-Aviv depuis vingt ans, fait la part des choses : "Ce sont surtout les politiciens de droite qui manipulent la menace des immigrés africains. Leurs propos relèvent de l’incitation à la haine." Oscar cite notamment la députée du Likoud Miri Regev et le vice-ministre de la Défense Danny Danon.

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Ici on les appelle les "infiltrés"

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Ces dernières années, la majorité des demandes d’asile provenaient de Soudanais et d’Érythréens, entrés par le Sinaï. La coopération avec l’Égypte a permis de fermer cette voie de passage, extrêmement dangereuse et passée sous la coupe d’organisations mafieuses. Près de 30 000 Érythréens et Soudanais vivent en situation irrégulière en Israël. Ils ne peuvent être renvoyés dans leur pays, où ils risquent la mort, mais l’État hébreu n’accorde le statut de réfugié qu’au compte-gouttes. Ici, on les appelle les "infiltrés", un terme politiquement très chargé. Il servait à désigner les Palestiniens tentant de regagner leurs terres après les guerres de 1948, 1956 et 1967. "Ces migrants ne sont pas un danger pour Israël, sauf à les laisser sans ressources", ajoute Oscar. "Les autorités n’ont pas de politique à l’intention des réfugiés et des demandeurs d’asile. On les laisse végéter, juste pour les dégoûter", estime Jean-Marc Liling, un avocat qui les aide au nom de l’American Jewish Joint Distribution Committee. Les neuf sages de la Cour suprême ont jugé que les traitements infligés aux clandestins étaient illégaux.

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Les Subsahariens servent aussi de boucs émissaires dans les quartiers populaires de Tel-Aviv, où l’État a démissionné. L’idéal socialiste a vécu, et l’économie ultralibérale fait des dégâts : Israël est devenu le deuxième pays le plus inégalitaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pourtant, des secteurs entiers (restauration, construction, agriculture) dépendent de la main-d’oeuvre immigrée (Chinois, Philippins, Turcs, Roumains, Polonais…). Des pauvres qui, depuis une quinzaine d’années, ont progressivement remplacé les Palestiniens. Certains sont des travailleurs résidents, pour une durée de cinq ans. Après l’expiration de leur visa, beaucoup ne repartent pas, et viennent grossir les rangs des clandestins. Ils seraient 53 000 aujourd’hui.

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