Nigeria : la sanglante croisade de Boko Haram
Le 25 février, des terroristes ont tué 59 élèves dans le nord-est du pays. Jusqu’où ira la sanglante croisade de Boko Haram contre « l’éducation occidentale » ?
Critique à l’égard du gouvernement nigérian, Cheikh Mohamed Awwal Adam Albani l’était aussi à l’encontre de la secte islamiste Boko Haram, dont le nom signifie "l’éducation occidentale est un péché". Les prêches de ce théologien salafiste respecté circulaient largement dans le nord du Nigeria et au-delà. Pour lui, les musulmans devaient renforcer leur savoir religieux par un enseignement occidental. Il a été assassiné par des inconnus le 1er février dans sa ville de Zaria, à 150 km au sud de Kano. Trois semaines plus tard, un autre attentat a endeuillé le monde de l’éducation : le 25 février, des terroristes de Boko Haram se sont introduits dans le dortoir du collège fédéral de Buni Yadi, dans le nord-est du pays, et ont ouvert le feu sur des élèves assoupis. Bilan : 59 morts.
L’état d’urgence décrété en mai 2013 dans trois États, la formation de milices civiles locales, les bombardements aériens et les opérations répétées ont peut-être affaibli Boko Haram. Mais ils ont aussi renforcé sa violence dans le nord-est du pays. La charia y est déjà appliquée, mais la secte veut instaurer un État islamique fondé sur une interprétation encore plus radicale de la loi de Dieu. Tout en combattant l’armée, elle multiplie les attaques terroristes contre l’éducation, jugée coloniale, occidentale, impie. Écoles, enseignants et élèves sont des cibles faciles que la Joint Task Force, une force spéciale associant police et militaires, n’a pas réussi à protéger.
>> Lire aussi : 42 morts dans une attaque attribuée à Boko Haram
Des miliciens armés détruisent trois écoles
Les premiers attentats revendiqués par Boko Haram contre des établissements scolaires remontent à février 2012. Dans son fief de Maiduguri, où est officiellement née la secte dix ans plus tôt, des miliciens armés de bombes artisanales détruisent trois écoles. Le porte-parole d’alors, Abul Qaqa, justifie un modus operandi pensé pour ne pas "tuer des élèves innocents". Depuis, pourtant, des centaines d’entre eux ont été assassinés. Et dans une vidéo rendue publique en juillet 2013, Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, déclarait : "Les professeurs qui enseignent l’éducation occidentale ? Nous allons les tuer devant leurs étudiants."
Des sources officielles font état de 200 écoles brûlées l’an dernier par Boko Haram dans l’État de Yobe. Kashim Shettima, le gouverneur de l’État voisin de Borno, parle quant à lui de 825 salles de classe saccagées, détruites ou réduites en cendres, et de 15 000 élèves déscolarisés. Selon les statistiques officielles, 72 % des enfants de Borno ne sont jamais allés à l’école, contre 4 % à Abuja, la capitale fédérale. En s’attaquant à l’éducation des jeunes, Boko Haram, dont les exactions ont poussé des milliers de personnes à se réfugier dans les pays voisins, détruit le futur de toute une région engluée dans la guerre.
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