Cameroun : Titus Edzoa, retour à la vie

Libéré après dix-sept ans de prison, cet ancien proche de Paul Biya a retrouvé son domicile et ses proches. Et tente de fuir la polémique.

Titus Edzoa chez lui, non loin de Yaoundé, trois jours après sa libération. © Aimé Menoba pour J.A.

Titus Edzoa chez lui, non loin de Yaoundé, trois jours après sa libération. © Aimé Menoba pour J.A.

Clarisse

Publié le 5 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

Son langage est toujours aussi châtié. Mais c’est d’une voix un brin cassée que le professeur Titus Edzoa, 69 ans, ancien tout-puissant secrétaire général de la présidence camerounaise, déroule le film de sa libération, après dix-sept ans de réclusion. Officiellement pour détournements de fonds publics, en réalité pour s’être présenté contre Paul Biya en 1997, jure-t-il. Il a donc été surpris, ce 24 février, à 20 heures, d’entendre le régisseur de sa prison, au secrétariat d’État à la Défense (SED), lui annoncer qu’il ne pouvait plus dormir dans sa cellule en raison de la levée d’écrou. On a fait venir son épouse, il a signé une décharge et est reparti, encadré par des policiers. Ses premiers gestes lorsque, à 21 h 36, il a franchi les grilles de son domicile de Simbock, près de Yaoundé ? De longues étreintes avec ses enfants et son épouse. Son premier repas d’homme libre ? Du koki, un gâteau de haricots blancs à l’huile de palme, une soupe "très parfumée" et un jus de corossol.

Depuis, il se promène dans son jardin, se réhabitue à l’espace et au soleil qui lui ont manqué, lui qui était enfermé vingt heures sur vingt-quatre dans une cellule de 7 m2. Il dit s’employer à revenir à la vie avec lenteur, reçoit beaucoup, "même ceux qui n’aimeraient surtout pas être vus en [s]a compagnie", dit-il. L’homme sait qu’il n’a jamais été une personnalité consensuelle. Et certains lui reprochent déjà d’avoir pu en réchapper grâce à Thierry Michel Atangana, celui-là même qu’il a entraîné au fond du gouffre. Lui joue l’apaisement, refuse de polémiquer, de s’installer dans une posture de victime, assure qu’il a pardonné et qu’il n’entend entrer en guerre contre personne.

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Allusion évidente à Paul Biya, avec lequel sa relation s’est jouée autour de deux notions opposées : la confiance et la trahison. En septembre 1981, jeune chirurgien formé en Italie, Titus Edzoa opère avec succès la soeur de Paul Biya, alors Premier ministre, et devient vite un habitué de sa résidence. Lorsque Biya est élu président de la République un an plus tard, en 1982, Edzoa prend ses quartiers au palais et ne lui ménage pas son dévouement. Ce qui lui vaudra plusieurs postes au gouvernement.

Des proches de Biya finissent par obtenir sa mise à l’écart

D’abord ministre chargé de mission à la présidence, sans attributions particulières, il est surtout celui qui murmure à l’oreille de Paul Biya. Et s’il se défend d’avoir été un ami, il fait bien partie de ceux qui réconfortent le chef de l’État lorsque celui-ci perd sa première épouse, Jeanne-Irène. En 1994, Edzoa est nommé secrétaire général de la présidence, fonction qu’il occupera pendant deux ans. Inquiets de l’influence grandissante de cet "ambitieux trop sûr de lui", des proches de Paul Biya finissent par obtenir sa mise à l’écart, avec un portefeuille de ministre de la Santé, en 1996. Cette nomination est-elle vécue comme une déchéance pour celui qui faisait la pluie et le beau temps à Etoudi ? En tout cas, le 20 avril 1997, à la surprise générale, Edzoa démissionne et annonce sa candidature à la présidentielle d’octobre. Date à laquelle il sera condamné à quinze ans de prison pour détournement de 350 millions de F CFA (environ 534 000 euros), puis à vingt autres années en 2012 pour avoir voulu détourner 61 milliards de F CFA.

Aujourd’hui libre, il n’exclut pas un retour à la politique mais admet qu’il est trop tôt pour l’envisager sérieusement.

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