Maroc – Prix des carburants : l’enquête impossible ?
Au royaume, face à la cherté de l’essence et du gasoil, nombreux sont ceux qui soupçonnent les distributeurs de réaliser des « marges immorales » ou d’entente sur les prix. Ahmed Rahhou, président du Conseil de la concurrence, a décidé de rouvrir l’enquête sur un dossier explosif.
Dans les arcanes du pouvoir, Ahmed Rahhou est un archétype. Né en 1958 à Meknès, il a suivi le parcours classique des élites à la tête bien faite : diplômé de l’École polytechnique (1980), puis de l’École nationale supérieure des télécommunications à Paris (1982), avant d’intégrer la haute fonction publique marocaine, sans aucune appartenance partisane à son actif. Un profil de grand commis de l’État, « que l’on envoie au front pour régler des dossiers épineux sur lesquels d’autres se sont cassé les dents avant lui », estime Réda Dalil, directeur de la publication de l’hebdomadaire TelQuel.
Passé par Royal Air Maroc, le Crédit du Maroc puis Lesieur Cristal, Ahmed Rahhou a été nommé, en 2009, par le roi Mohammed VI, à la tête du Crédit immobilier et hôtelier (CIH). À l’époque, cette banque est à la dérive : éclaboussée par une série de malversations et d’irrégularités commis par plusieurs responsables, elle souffre d’une image aussi sulfureuse que poussiéreuse. « Finalement, Rahhou a révolutionné le CIH, au point d’en faire la banque des jeunes », souligne Réda Dalil. En 2019, contre toute attente, le souverain nomme cette fois-ci Ahmed Rahhou « ambassadeur du roi », chef de la mission du Maroc auprès de l’Union européenne (UE).
Un cadeau empoisonné ?
Le banquier se mue donc en diplomate. Pas pour longtemps : le 22 mars 2021, Ahmed Rahhou est nommé président du Conseil de la concurrence, une institution indépendante dont le Maroc s’est doté en 2009, chargée « d’assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques […] à travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentration économique et de monopole ».
Une lourde tâche, souvent ingrate, au point d’avoir déjà lessivé au moins deux de ses prédécesseurs : Abdelali Benamour (2015-2018), réduit à régner sur une coquille vide privée de tout pouvoir décisionnel, et Driss Guerraoui (2018-2021), dont le mandat s’est achevé sur un départ forcé, après avoir bouclé une enquête en 2020 sur de « possibles faits d’entente illicite sur les prix entre plusieurs distributeurs de carburant » (ou sociétés pétrolières).
Or, c’est justement ce dossier explosif des hydrocarbures que Ahmed Rahhou a l’intention de rouvrir. À l’heure où les prix à la pompe connaissent une inflation inédite (+ 40 % sur le gasoil et l’essence depuis le début de février) et où l’opinion publique demande des comptes, le haut-fonctionnaire a annoncé, dans une note publiée le 13 avril, s’être auto-saisi de la question de « la flambée des prix des intrants et matières premières au niveau mondial, et de ses conséquences sur le fonctionnement concurrentiel des marchés nationaux ».
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