Rachat de Twitter : Abuja attend Elon Musk de pied ferme

En voulant étendre la liberté d’expression sur Twitter et réduire la réglementation, Elon Musk a fait siffler des oreilles à Abuja.

Twitter banni du Nigeria après l’affaire du tweet de Buhari. Abuja, le 5 juin 2021. © Afolabi Sotunde / Reuters

Publié le 10 mai 2022 Lecture : 3 minutes.

L’homme le plus riche du monde, Elon Musk, vient de s’offrir Twitter pour 44 milliards de dollars, avec la ferme intention d’étendre la liberté d’expression et de réduire la réglementation d’une plateforme interdite pendant sept mois par les autorités nigérianes pour n’avoir pas su modérer efficacement son contenu.

À cette époque, la suspension était assortie d’une interdiction d’ouvrir des bureaux au Nigeria. Abuja semble attendre de pied ferme la nouvelle direction de Twitter.

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Nigeria vs Twitter

Quand Elon Musk veut s’attaquer à une réglementation qu’il estime trop restrictive, le gouvernement nigérian défend la démarche absolument inverse. En juin de l’année dernière, le Nigeria a suspendu Twitter après la suppression d’un tweet controversé du président Muhammadu Buhari. Une décision condamnée par l’Occident et par plusieurs groupes de défense des droits.

Le gouvernement accusait Twitter d’être la plateforme de prédilection des dissidents et des séparatistes, comme en témoignent les manifestations #EndSARS. Abuja a alors entrepris un grand ménage dans la réglementation des plateformes, en insistant pour qu’elles ouvrent des bureaux au Nigeria après obtention d’une licence d’exploitation.

>> À lire sur The Africa Report : Nigeria: How Musk’s plan for less regulation could set Abuja & Twitter on collision course

Cette démarche vise essentiellement à imposer aux médias sociaux les mêmes normes qu’aux stations de radiodiffusion, étroitement réglementées, qui reçoivent constamment des directives de la Commission nationale de radiodiffusion (National Broadcasting Commission-NBC). La NBC a été accusée à plusieurs reprises d’imposer arbitrairement des amendes aux stations de radiodiffusion.

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Selon une proposition de loi, le gouvernement cherche à donner des pouvoirs à cette commission pour qu’elle ait toute latitude d’ordonner aux plateformes de supprimer des contenus qu’elle estimerait non conformes à sa réglementation.

En janvier dernier, il a fini par lever la suspension de Twitter en affirmant que l’entreprise avait accepté d’ouvrir un bureau dans le pays, de s’enregistrer auprès de la Commission des affaires commerciales et de nommer un représentant dans le pays avant la fin du mois de mars.

Elon Musk est quelqu’un qui sort des sentiers battus et c’est ce dont la société a parfois besoin

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Pourtant, plus d’un mois après la date limite, la plateforme de médias sociaux ne s’est toujours pas enregistrée, de même que personne n’a été désigné comme représentant de Twitter au Nigeria.

Une bonne chose

Le patron de Tesla est également connu pour promouvoir l’utilisation des cryptomonnaies et certains analystes pensent qu’il pourrait utiliser Twitter pour le faire savoir. Là encore, la position d’Abuja est diamétralement opposée : le gouvernement a récemment infligé une amende de près de 2 millions de dollars à deux banques qui avaient enfreint la réglementation interdisant aux clients d’effectuer des transactions en cryptomonnaies.

Même si Twitter semble ressembler à un pavé jeté dans la mare du gouvernement nigérian, certains tempèrent cette vision des choses. Comme Taiwo Oyedele, analyste et responsable de la fiscalité pour l’Afrique de l’Ouest chez PwC : il soutient que moins de réglementation peut être une bonne chose, estimant que c’est la suppression du tweet de Buhari qui a mis la plateforme sur une trajectoire de collision avec le gouvernement.

L’intérêt public

« Il est clair qu’Elon Musk est un perturbateur, quelqu’un qui sort des sentiers battus et c’est ce dont la société a parfois besoin. Pourtant, même s’il possède Twitter à 100 %, il doit agir dans le respect des règles fixées par le gouvernement. Certes avec lui, le tweet de Buhari n’aurait probablement pas été retiré ; mais il faut se prémunir de conduites extrêmes, lorsque n’importe qui sera libre de dire n’importe quoi. Ce que Twitter doit faire, c’est privilégier l’intérêt public. »

La suppression du tweet de Buhari a mis la plateforme sur une trajectoire de collision avec le gouvernement

Taiwo Oyedele ajoute qu’avec les élections à venir et la disparition à venir de l’administration Buhari, Twitter n’a aucune raison d’ouvrir un bureau au Nigeria : « Cette question est juste une tentative du gouvernement de sauver la face. »

Le ministre nigérian de l’information, Lai Mohammed, n’a pas encore répondu aux commentaires concernant le retard de Twitter dans l’ouverture d’un bureau au Nigeria et le plan de la plateforme pour réduire les réglementations.

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