Chine : le gouvernement à l’assaut de la « capitale du sexe »
Résolu à « balayer le vice », le gouvernement a lancé 9 000 policiers à l’assaut de Dongguan, la « capitale du sexe ».
À une encablure de Hong Kong, dans la province du Guangdong, Dongguan a longtemps été le symbole du capitalisme triomphant. Mais le 9 février, on a découvert qu’elle était surtout la capitale chinoise du sexe. Plus de 2 000 bordels, salons de massage et karaokés où l’on ne fait pas que chanter ont en effet été la cible d’une impressionnante opération joliment baptisée "balayage du vice". Plus de 9 000 policiers et… d’innombrables caméras de la CCTV, la chaîne de télévision publique, y ont participé.
Toujours prompts à railler les excès du Parti communiste et à s’apitoyer sur le sort des plus malheureux, les internautes s’en sont donné à coeur joie. Il est vrai que ces images de prostituées contraintes de confesser publiquement leurs "crimes" rappelaient fâcheusement les heures sombres de la Révolution culturelle. Reste qu’on a pris du même coup conscience de l’ampleur des réseaux de prostitution dans cette ville de plus de 7 millions d’habitants. Hôtels borgnes réservés aux ouvriers… Palaces fréquentés par hommes d’affaires et responsables politiques – sans parler des officiers de police qui, eux, consomment gratuitement… À Dongguan, plus de 300 000 personnes vivent du sexe. Ce commerce rapporte annuellement plus de 8 milliards de dollars, soit près de 10 % des revenus de cette province grande comme la Tunisie.
Dans la foulée, c’est toute la région du Guangdong, toujours plus ou moins rebelle en raison de son éloignement de Pékin, qui est désormais dans le collimateur policier. Ensuite, après avoir puni le Sud, le gouvernement pourra peut-être s’attaquer au reste du pays. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la Chine compte 6 millions de prostituées. Et l’industrie du sexe représente au moins 6 % du produit intérieur brut.
Entre 18 000 et 28 000 prostituées incarcérées chaque année
Pourtant, l’opération de Dongguan ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Soixante-sept personnes interpellées, une douzaine d’établissements fermés, c’est peu. Beaucoup de gros poissons et de menus tapins se sont envolés. Tant mieux pour ces dernières, car elles risquent gros. Les camps de travail vont certes être fermés, mais pas pour les drogués et les prostituées, qui restent passibles, sans jugement, de quatre ans de détention. Chaque année, entre 18 000 et 28 000 "filles de la nuit" seraient incarcérées arbitrairement et contraintes de rembourser leurs frais de détention – jusqu’à 400 dollars pour six mois.
Une loi est à l’étude au Parlement en vue de légaliser la prostitution. Pas sûr cependant que, sur ce terrain, les hommes de Xi Jinping se montrent très conciliants.
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