Cinéma : M’Barek Belkouk, un petit bonhomme de chemin

Son rôle émouvant dans La Marche a donné un coup d’accélérateur à la carrière de M’Barek Belkouk. Pourtant, pour cet acteur d’origine marocaine, ce n’était pas gagné d’avance.

Sous ses faux airs de Jacques Villeret, le jeune homme attire la sympathie. © Camille Millerand pour J.A.

Sous ses faux airs de Jacques Villeret, le jeune homme attire la sympathie. © Camille Millerand pour J.A.

Publié le 11 mars 2014 Lecture : 4 minutes.

On a eu un peu de mal à lui mettre le grappin dessus, et pourtant on savait où le trouver. De ce natif d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où il vit toujours, on connaissait toutes les planques : le troquet en face de la mairie, la boîte de production Nouvelle Toile, à deux pas de la Poste, où tout a commencé pour lui, jusqu’au hall de son immeuble. On a cherché en vain. Puis il nous a rappelés : "J’étais à Lille, où je tournais les scènes d’un nouveau film dans lequel je joue le rôle d’un caissier", raconte, de sa voix douce et posée, M’Barek Belkouk, que le public a découvert dans La Marche, la fiction de Nabil Ben Yadir sortie en novembre dernier. M’Barek y interprète l’un des marcheurs, aux côtés des acteurs Olivier Gourmet, Jamel Debbouze et Hafsia Herzi. Finalement, le rendez-vous est donné dans son troquet, en face de la mairie.

M’Barek arrive en scooter. Après une franche poignée de main, il s’assied et attend les questions. Un long silence s’installe. Un peu gêné par la situation, il esquisse un sourire. Il n’aime pas trop parler de lui. Un mélange de timidité et de modestie ? "Oui, c’est vrai, je ne suis pas très à l’aise, je dois apprendre à répondre aux interviews." Pas faux. Vu son talent, il est probable que les médias s’intéressent bientôt à lui. Après quelques minutes, il se détend un peu. Êtes-vous surpris par ce qui vous arrive ? "Oui un peu. Ça va tellement vite. Depuis mon rôle dans La Marche, mon téléphone sonne plus souvent. On me propose du travail." Même s’il est sur un nuage et que tout semble lui réussir, M’Barek garde les baskets sur le plancher, conscient "que la route est encore longue et [qu’il doit] continuer à travailler".

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La success-story de ce jeune homme qui n’a pas tout à fait 25 ans a débuté alors qu’il n’en avait que 15, le jour où sa mère l’a emmené chez Darty acheter une caméra. Elle voulait qu’il filme le mariage d’un cousin, au Maroc. "Dès l’instant où j’ai eu cette caméra entre les mains, j’ai tout filmé et tout le temps, sourit-il. J’ai tout de suite aimé l’image et j’ai très vite voulu réaliser des films." À 17 ans, il apprend que le réalisateur Hakim Zouhani et l’OMJA, la MJC de sa ville, organisent un voyage au Sénégal afin d’y tourner un documentaire. Il réussit à embarquer avec l’équipe. "J’ai vu défiler près de 250 jeunes en cinq ans quand je menais les ateliers vidéo, et M’Barek était de loin l’un des plus assidus, se souvient Zouhani. Caméra au poing, il était doué. Perfectionniste. Je ne suis pas étonné de ce qui lui arrive aujourd’hui, même si personne, et surtout pas lui, ne l’imaginait acteur." Ce qu’apprécie surtout le réalisateur, c’est la simplicité de M’Barek. "Dans la vie, c’est un bon gars, quelqu’un que tu aimes tout de suite. À l’écran, c’est pareil. Il est l’un des seuls acteurs que je connaisse à ne pas avoir changé, à avoir gardé sa joie de vivre, à ne pas s’enflammer. Aucun acteur n’a son profil en France : un rebeu enrobé, qui attire tout de suite la sympathie. Il me rappelle Jacques Villeret !"

"On me dit souvent que je lui ressemble, confirme M’Barek. C’est un honneur pour moi. C’est un de mes acteurs préférés ! Je dois énormément à Hakim, enchaîne le jeune homme. Plus qu’un simple formateur, il m’a toujours encouragé. De nature introvertie, j’avais vraiment besoin de ce coup de pouce. Sans lui, je n’aurais pas poursuivi dans cette voie."

Une autre rencontre a été décisive, celle de Mehdi Charef, écrivain algérien devenu réalisateur, bluffé lors d’un casting. Après avoir engagé Belkouk pour jouer dans une publicité, il lui a présenté un agent qui lui a permis de décrocher des rôles dans des séries et des films comme La Vie secrète des jeunes ou Les Profs. Du coup, le jeune homme se met à croire à une carrière d’acteur et décide de lâcher, en milieu d’année, son BTS électrotechnique. Sa mère lui dit de foncer, son père grince des dents mais accepte. Avec Fais Croquer (2011), de son ami Yassine Qnia, un formidable court-métrage, l’histoire d’un "gros" à qui on interdit de faire du cinéma, il fait le tour des festivals de France, où le film remporte plusieurs prix. Le nom Belkouk commence à circuler. En 2012, il passe le plus gros casting de sa vie et, pendant cinq semaines, il tourne à Lyon, Lille ou Paris, en compagnie de Debbouze. "Ces deux mois furent exceptionnels : c’était très agréable d’être aux côtés de tous ces grands acteurs. Jamel Debbouze a été d’une aide précieuse, il m’a donné beaucoup de conseils". Dans La Marche, M’Barek joue le rôle de Farid, un marcheur enrobé qui va se dépasser pour gagner l’estime de son père.

Aujourd’hui, il espère qu’on lui proposera d’autres rôles que celui du "gros" de service, mais il précise : "Je n’ai aucun problème avec mon physique. Je suis un acteur et je suis là pour interpréter des rôles." En attendant, son personnage de marcheur ressemble beaucoup à l’homme qu’il est. Dans le film, le père qui doutait des capacités de son fils finit par être très fier de lui. Dans la vraie vie, il paraît que Belkouk senior l’est aussi…

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