Diplomatie : Obama et sa bande d’amateurs !

Un grand nombre d’ambassadeurs nommés par Barack Obama ne sont pas des diplomates de carrière mais des amis politiques ou de généreux donateurs de ses campagnes électorales. Sans surprise, ils multiplient gaffes et bévues.

Michael McFaul sortant du ministère russe des Affaires étrangères, en mai 2013. © Maxim Shemetov/Reuters

Michael McFaul sortant du ministère russe des Affaires étrangères, en mai 2013. © Maxim Shemetov/Reuters

Publié le 27 février 2014 Lecture : 5 minutes.

Les ambassadeurs nommés par Barack Obama accumulent les gaffes. En particulier les gros donateurs sans aucune expérience que le président a souhaité remercier pour leur soutien lors de sa dernière campagne présidentielle. Eh oui ! La diplomatie, c’est un métier !

Le mois dernier, George Tsunis, directeur d’une chaîne d’hôtels désigné par Obama pour représenter les États-Unis en Norvège, a benoîtement avoué lors de son audition devant le Sénat qu’il n’avait jamais mis les pieds dans un pays scandinave. Pis, il a confié aux honorables parlementaires que le Parti du progrès était une formation extrémiste, alors qu’elle appartient à la coalition de centre droit au pouvoir à Oslo. Géostratégiquement parlant, Tsunis n’est sans doute pas une lumière. Mais il a généreusement contribué – plusieurs centaines de milliers de dollars – à la campagne du candidat Obama.

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Lors de la même audition, Robert Barber n’a pas caché qu’il ignorait à peu près tout de l’Islande, pays où le président vient pourtant de le nommer. Il est vrai qu’en 2012 il a levé 1,6 million de dollars (1,2 million d’euros) en sa faveur. Même aveu désarmant de Noah Mamet, nommé en Argentine en remerciement des 500 000 dollars versés : il n’a jamais vu ni les rives du Río de la Plata ni la Patagonie et, bien sûr, ne parle pas un mot d’espagnol. Quant à Colleen Bell, nouvelle représentante américaine en Hongrie, elle s’est carrément emmêlé les pinceaux lors de son audition par les sénateurs, ce qui est tout sauf surprenant : elle est habituellement productrice de soap operas à Hollywood. Mais le montant de ses versements aux démocrates avoisine les 800 000 dollars.

La fille de Kennedy s’est fait remarquer dans un tweet ou elle juge "inhumains" les massacres de dauphins auxquels se livrent les pêcheurs nippons.

Le cas de Caroline Kennedy est à peine différent. Fille de John Fitzgerald et proche de l’actuel président, elle est en poste au Japon. Peu de temps après son arrivée à Tokyo, elle s’est signalée par un franc-parler fort peu diplomatique. Dans un tweet, elle a par exemple jugé "inhumains" les massacres de dauphins auxquels se livrent les pêcheurs nippons. La pratique est certes discutable, mais la remarque a choqué : les Japonais ne plaisantent pas avec les traditions.

Des nominations hasardeuses

Cette série de nominations hasardeuses est jugée "extrêmement alarmante" par le sénateur républicain John McCain. En tout cas, il est clair que de tels renvois d’ascenseur ne sont pas sans danger pour le président élu. Et le fait qu’il s’agisse d’une vieille coutume de la politique américaine ne change rien à l’affaire.

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Au cours des dernières décennies, tous les présidents américains ont, lors des mouvements diplomatiques, à peu près respecté la règle dite des "70-30". Autrement dit : 70 % de diplomates de carrière, 30 % d’alliés et d’amis politiques.

Selon l’American Foreign Service Association, Ronald Reagan et Gerald Ford réservaient à ces derniers environ 38 % des postes d’ambassadeur. Bill Clinton et Jimmy Carter se contentaient de 27 %, et les Bush père et fils se situaient pile-poil dans la moyenne (30 %). À l’époque, déjà, certains se laissaient aller à l’occasion à d’intempestives déclarations. L’ambassadeur en Italie nommé par George Herbert Bush provoqua un jour quelque émoi en déclarant publiquement sa flamme aux "jolies filles" de ce pays. Cela aurait dû aller sans dire…

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À l’entame de son second mandat, Obama fait exploser ce dosage somme toute raisonnable. À ce jour, 53 % des nominations auxquelles il a procédé sont "politiques". La proportion n’était que de 37 % au cours de son premier mandat.

La rumeur envoie d’ailleurs régulièrement à Paris la redoutable Anna Wintour, directrice du Vogue américain et indéfectible soutien d’Obama.

La raison essentielle en est que beaucoup de gros donateurs attendaient depuis parfois la première campagne électorale d’être récompensés. Force est aussi de reconnaître qu’un grand nombre de postes sont actuellement vacants. Le phénomène risque donc de se poursuivre. L’ambassadeur en France n’a par exemple pas encore été nommé. La rumeur envoie d’ailleurs régulièrement à Paris la redoutable Anna Wintour, directrice du Vogue américain et indéfectible soutien d’Obama. Comme quoi, la mode mène à tout.

Reste que les ambassadeurs étrangers au sérail font parfois du bon boulot. L’actrice Shirley Temple, qui vient de mourir, s’attira par exemple des louanges unanimes pour sa mission diplomatique au Ghana (1974-1976). Plus récemment, le producteur de télévision Charles Rivkin, ambassadeur en France jusqu’en 2013, ou l’avocat John Victor Roos, ancien ambassadeur au Japon, furent eux aussi reconnus pour leurs compétences.

Il n’est d’ailleurs pas si rare que des diplomates de carrière commettent de monumentales gaffes. Prenez Victoria Nuland, par exemple, qui est chargée de l’Europe au département d’État. Dans une conversation récemment enregistrée à son insu, n’a-t-elle pas suggéré à l’Union européenne, dont elle n’apprécie pas le rôle dans la crise ukrainienne, d’aller "se faire foutre" ? On n’est pas plus gracieux.

De même, les méthodes de l’universitaire Michael McFaul, actuel ambassadeur en Russie, ont du mal à passer. Deux jours après son arrivée à Moscou, en janvier 2012, il s’est empressé d’inviter à l’ambassade des opposants notoires à Vladimir Poutine. Pas idéal pour enclencher le reset ("redémarrage"), comme on dit ici, des relations russo-américaines. Deux ans après son entrée en fonction, McFaul vient d’ailleurs d’annoncer son retour au pays.


Caroline Kennedy au Mémorial de la paix à Okinawa, au Japon, le 12 février. © Kyodo News/ap/sipa

Premier Sino-Américain à occuper ce poste

Autre démission remarquée, celle de Gary Locke, l’ancien ambassadeur en Chine nommé par Obama en 2011 et premier Sino-Américain à occuper ce poste stratégique. Juste avant son arrivée, il avait beaucoup intrigué les Chinois, toujours très à cheval sur le protocole, en se faisant photographier à l’aéroport de Seattle dans un Starbucks Coffee avec sa fille. De l’aveu de plusieurs responsables américains, il n’est pas exclu que ses manières très décontractées l’aient desservi dans sa mission. Son manque d’expérience diplomatique – on y revient – aussi. Soutien de la première heure de Barack Obama, Locke a été gouverneur de l’État de Washington de 1997 à 2005, puis secrétaire au Commerce (2009-2011).

Quoi qu’il en soit, son successeur s’est déjà fait remarquer. Lors de son audition devant le Sénat, l’ancien sénateur démocrate Max Baucus a indiqué qu’il n’était "pas un véritable spécialiste de la Chine". Ouf, la relève est assurée !

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