Italie : Matteo Renzi à tombeau ouvert

Au début de l’an dernier, il n’était que maire de Florence. En décembre, il a fait main basse sur le Parti démocrate. Le 13 février, il a évincé Enrico Letta de la présidence du Conseil. Au secours, ça va trop vite !

Séance de maquillage avant une intervention télévisée, à Rome. © Luigi Mistrulli/SIPA

Séance de maquillage avant une intervention télévisée, à Rome. © Luigi Mistrulli/SIPA

Publié le 25 février 2014 Lecture : 4 minutes.

Il ne lui suffisait pas que son parti domine le gouvernement, il voulait diriger l’Italie. Lui, et personne d’autre. C’est désormais chose faite. Au terme d’une manoeuvre digne des Médicis, ses lointains ancêtres florentins, l’ambitieux Matteo Renzi, 39 ans, a réussi à écarter Enrico Letta, son "ami" démocrate-chrétien, de la présidence du Conseil. Et à prendre sa place. En moins de deux mois, fort des deux millions de voix obtenues lors des primaires du 8 décembre, le secrétaire national du Parti démocrate (PD), qui était aussi jusqu’ici maire de Florence, a tout bonnement réussi à bouleverser le paysage politique italien.

Il n’a pourtant jamais fait mystère de ses intentions. Dès son élection, il avait annoncé qu’il ferait tout pour promouvoir les réformes. Mais, le 2 janvier, il a quand même pris tout le monde de court, jusqu’à son propre parti, en sommant le gouvernement d’appliquer un train de mesures prioritaires parmi lesquelles la refonte du système électoral, la révision de l’indemnisation chômage, l’adoption d’une nouvelle loi sur l’immigration et celle d’un pacs à l’italienne. "Si j’ai l’occasion de marquer un penalty, je ne m’en priverai pas", avait-il averti. Et il a aussitôt entrepris un pressing très agressif sur le gouvernement afin de le pousser à la faute.

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Mais avant de passer à l’offensive, Renzi a pris soin de s’assurer le soutien d’éminentes figures de son parti et celui de grands industriels, souvent toscans, comme l’influent Diego Della Valle, président de Tod’s et de la Fiorentina (le club de foot de série A). Et il n’a pas hésité, lui, le chef de file du centre gauche, à engager des négociations avec Silvio Berlusconi, l’ancien chef du gouvernement en délicatesse avec la justice de son pays, à qui il a promis de faire adopter au plus tôt un nouveau code électoral. A-t-il vendu son âme sinon au diable, du moins à la droite ? Peut-être, mais avec circonspection. Dans sa stratégie de conquête, la large victoire du PD aux élections régionales du 9 février en Sardaigne a naturellement joué un rôle important.

C’est ainsi : sa grinta, mélange de détermination et de ténacité à l’italienne, séduit nombre de ses compatriotes. "Je suis arrivé là où je suis par la volonté des électeurs, non par la grâce d’un mentor", dit-il. Il ne s’embarrasse guère des procédures démocratiques et a pris le pouvoir au sein du PD au terme d’un véritable putsch. Certains le surnomment "le démolisseur" en raison de sa propension à écraser tout ce qui se dresse sur sa route. "Renzi ? C’est la pire solution, estime Roberto Serra, un militant du PD à Rome. C’est un faux gauchiste qui mènera la même politique que Berlusconi, les scandales en moins. À cause de lui, il n’y aura bientôt plus de gauche en Italie."

Un certain nombre de ses compatriotes – sans parler de l’Union européenne – lui reprochent surtout de ne pas avoir attendu les élections pour prendre le pouvoir. Comme Mario Monti et Enrico Letta, il a en effet été coopté par une fragile coalition parlementaire. Mais Renzi s’en moque : il n’est pas à la recherche d’une légitimité, il veut incarner le changement dans un système parlementaire totalement bloqué par une égale répartition des sièges entre la droite, la gauche et le mouvement Cinque Stelle, de l’ex-humoriste Beppe Grillo.

Une réforme par mois

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Son objectif d’"une réforme par mois" est ambitieux, mais il ne suffit pas à Berlusconi, qui exige l’adoption à brève échéance d’un nouveau code électoral et d’une révision de la Constitution destinée à accroître les pouvoirs du président du Conseil afin de rendre le pays "gérable". Mais sans perdre du temps à réformer le Sénat, ce qui retarderait d’autant la tenue d’élections. L’opposition entre Berlusconi et Angelino Alfano, son ancien dauphin devenu son grand rival au centre droit, accroît toutefois la marge de manoeuvre de Renzi. Celui-ci a gagné la première manche, mais ne peut crier victoire. Tout dépend de la composition de son futur gouvernement. On sait que l’écrivain Alessandro Baricco a décliné le portefeuille de la Culture, mais c’est secondaire. C’est sur la désignation du ministre de l’Économie que le chef du gouvernement joue sa crédibilité. Or il est pris entre les injonctions contradictoires de ceux qui ne veulent surtout pas rompre avec la ligne imposée par l’Union européenne et de ceux qui souhaitent s’en émanciper au profit d’une politique économique fondée sur la relance.

À cent jours des élections européennes, on a, à Bruxelles, quelque mal à cerner les positions du nouveau chef du gouvernement italien, qui est sans nul doute moins europhile que Letta, mais n’est quand même pas eurosceptique. Mais on voit surtout d’un fort mauvais oeil la méthode qu’il a employée pour s’emparer du pouvoir. Une anomalie démocratique gênante alors que l’Italie prendra, en juin, la présidence du Parlement européen.

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Reste que les plus inquiets sont quand même les Italiens. "Renzi va trop vite. À force de pousser la machine, elle va finir par s’emballer." C’est un peu l’opinion qui prévaut en ce moment à Rome.

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