Algérie : Badis Laouamar, ex-émir des GIA, officiellement blanchi

Quatorze ans après la grâce présidentielle, que sont devenus les émirs des années 1990 ? Si certains coopèrent avec les services de sécurité, il leur est malgré tout difficile de se faire une place dans l’Algérie d’aujourd’hui, à l’instar de Badis Laouamar, ex-émir des GIA.

Badi Laouamar à son domicile de Sétif, le 13 novembre 2013. © Omar Sefouane pour J.A.

Badi Laouamar à son domicile de Sétif, le 13 novembre 2013. © Omar Sefouane pour J.A.

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Publié le 6 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

La rencontre a lieu dans le bureau du président de l’Entente sportive de Sétif, l’un des plus prestigieux clubs de football d’Algérie. "Preuve que j’ai repris une vie normale et que je n’ai aucun problème avec les autorités", remarque notre interlocuteur à la barbe fournie, bonnet sur la tête et blouson noir sur un kamis blanc. Pourtant, dans un passé pas si lointain, Badis Laouamar, 46 ans, menait tout sauf "une vie normale". "Je ne suis pas un repenti et je refuse que l’on me qualifie de terroriste, martèle-t-il. Je suis monté au maquis par peur d’un policier qui me menaçait de mort." Pour appuyer ses propos, il exhibe son casier judiciaire délivré par un tribunal de Sétif : vierge. Mais à une autre époque, l’ardoise était chargée.

Retour en juillet 1991. Prédicateur apprécié dans les mosquées de Sétif pour ses prêches incendiaires, Badis Laouamar est arrêté, déféré devant un tribunal militaire puis condamné à cinq ans de réclusion pour "participation à un mouvement insurrectionnel", cette fameuse grève que le Front islamique du salut (FIS) avait lancée trois mois plus tôt. "Je n’ai commis aucun crime, se défend-il. J’ai passé cinq ans en prison pour le seul tort d’avoir animé des meetings pour le compte d’un parti agréé par l’État."

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Dans les pénitenciers de Tazoult, de Bouira et d’Adrar, il se forge l’intime conviction qu’il faut prendre les armes pour se faire justice. Libéré, il rejoint les Groupes islamiques armés (GIA). Ses connaissances en théologie, sa verve et son passage en prison lui valent d’être intronisé émir d’une zone qui englobe plusieurs wilayas de l’est du pays. Il commande une katiba de 1 200 personnes et dirige des opérations contre les services de sécurité. "J’ai participé aux combats, mais je n’ai pas de sang sur les mains, soutient-il. Lorsque j’ai constaté les dérives barbares des GIA, qui massacraient civils et innocents, j’ai rejoint les rangs de l’AIS [Armée islamique du salut]."

Les procureurs, les maires et les banques nous considèrent comme des pestiférés

"Pestiférés"

Devenu lieutenant de Madani Mezrag, le chef de l’AIS, Badis Laouamar prend part aux pourparlers avec les militaires entre 1997 et 1999 pour aboutir à un cessez-le-feu. Il rencontre Smaïn Lamari, ex-numéro deux du Département recherche et sécurité (DRS, services de renseignements), et un proche de Bouteflika dépêché dans les maquis de Jijel pour négocier une reddition en échange d’une amnistie. "Les militaires nous avaient promis que nos droits seraient respectés à notre retour au foyer, raconte-t-il. Mais quatorze ans après, les procureurs, les maires et même les banques nous considèrent encore comme des pestiférés." Et de citer l’exemple de ce repenti de Constantine remonté au maquis avec 60 de ses compagnons, en 2011, après que les autorités lui ont refusé l’accès à un logement.

Père de quatre enfants, Badis Laouamar, qui a perdu deux frères au maquis et collabore aujourd’hui avec les autorités militaires pour convaincre les irréductibles de souscrire au projet de réconciliation nationale, dit vivre de l’indemnité mensuelle de 7 000 dinars (65 euros) que l’État verse à sa fille adoptive, fruit d’une liaison entre son épouse et un terroriste tué au djebel. Jadis propriétaire d’une petite entreprise agroalimentaire, l’ex-émir a maille à partir avec l’administration, qui l’a rayé du registre du commerce. "L’opinion pense que nous sommes descendus des montagnes avec de l’or et des sacs d’argent, soupire-t-il. Rien n’est vrai. Certes, des frères se sont enrichis en achetant des commerces et en investissant dans l’immobilier, mais ce n’est pas le cas de la majorité de ceux qui ont déposé les armes."

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