Esclavage : la pression monte d’un Cran

L’association a de nouveau choisi le terrain judiciaire comme arène. Son arme : une plainte contre l’État pour crime contre l’humanité lors de la construction du chemin de fer Congo-Océan.

Lours-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France. © François Guillot/AFP

Lours-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France. © François Guillot/AFP

Publié le 25 février 2014 Lecture : 2 minutes.

C’est ce qui s’appelle mettre la pression. En l’espace d’un an, le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) présidé par Louis-Georges Tin a déposé plainte trois fois contre l’État français pour crime contre l’humanité devant le tribunal de grande instance de Paris. Avec, en ligne de mire, la question très sensible des réparations, notamment financières, liées à la traite négrière. Depuis la loi Taubira, adoptée en mai 2001, l’esclavage est en effet reconnu en France comme crime contre l’humanité.

La dernière assignation sera déposée le 25 février et vise, en plus de l’État, trois entreprises françaises : Spie, spécialisée dans les domaines de l’énergie et des communications (4,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012), son holding, Clayax Acquisition, et son ancienne filiale Spie Batignolles, un acteur majeur de la construction en France (2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2011).

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En cause, le recours de ces compagnies – ou plutôt de leur ancêtre commun, la Société de construction des Batignolles (SCB) – au travail forcé pour la construction du chemin de fer Congo-Océan, reliant Pointe-Noire à Brazzaville (Congo), entre 1921 et 1934. Près de 127 000 Africains, issus de toute l’Afrique-Équatoriale française (AEF), sont enrôlés sur ce chantier. Selon les chiffres officiels, 17 000 mourront.

Dans sa lettre de plainte, que Jeune Afrique a pu consulter, le Cran revient longuement sur ces faits, ainsi que sur les liens entre ces entreprises et les autorités françaises de l’époque. "La SCB a participé volontairement en tant que complice à la réalisation de ce crime contre l’humanité en demandant et en utilisant cette main-d’oeuvre. […] Ce contrat a permis à la SCB de prospérer au préjudice des victimes d’un crime contre l’humanité sur un marché public estimé à plus de 1 milliard d’euros", explique l’association. Et d’ajouter que les faits "n’auraient jamais eu une ampleur aussi importante" sans l’organisation mise en place par l’État.

Une indemnisation sur le plan civile

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Par ailleurs, pour le Cran, la "continuité historique et capitalistique" entre la SCB et les entreprises qui lui ont succédé justifie pleinement le dépôt de plainte. L’association demande au juge, entre autres, "une provision de 150 000 euros pour la réalisation d’une expertise financière" afin d’évaluer le montant d’un dédommagement financier, en arguant que "le caractère imprescriptible de ce crime rend nécessaire son indemnisation sur un plan civil".

Cette plainte, qui s’ajoute aux deux précédentes, a-t-elle des chances d’aboutir ? Pour le moment, celle déposée contre l’État en janvier 2013 par Rosita Destival, descendante d’esclaves, et soutenue par le Cran (qui s’est porté partie civile), et celle de mai 2013, à l’initiative de l’association elle-même, contre la Caisse des dépôts et consignations (CDC, bras financier de l’État) suivent leur cours. Mais peu de juristes français y croient. Quant à la question des réparations, que le président François Hollande qualifiait en mai dernier d’"impossibles", elle n’a toujours pas été remise sur le devant de la scène politique.

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