Hommes de haine
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 26 février 2014 Lecture : 2 minutes.
Ce qui se passe depuis des mois en République centrafricaine n’a rien de nouveau au regard de l’histoire de l’humanité. Depuis toujours, les nations se forment dans le sang et la fureur. Mais, en s’inspirant de l’expérience des autres, il est possible, me semble-t-il, de limiter les dégâts. Comme chacun le sait, la terre de Barthélemy Boganda n’est pas un pays de cocagne. Ses ressources sont tellement limitées que la pauvreté de la grande majorité de la population est endémique. Si cette majorité n’a quasiment rien à se mettre sous la dent, pourquoi ce déchaînement de haine et de violence ? Il n’a échappé à personne que ce pauvre pays est victime, depuis son accession à l’indépendance, d’ingérences étrangères dans ses affaires internes. Hier, c’était la France, de De Gaulle à Giscard. Aujourd’hui, ce sont les pays voisins, en particulier le Tchad, qui adoubent n’importe quel rigolo. Avaient-ils prévu l’explosion ?
On nous dit que la République centrafricaine est déchirée par un conflit interreligieux, un affrontement entre chrétiens et musulmans. Cela veut-il dire que les uns veulent éradiquer les autres ? Pourtant, chrétiens et musulmans ont toujours cohabité, se sont toujours acceptés. Le problème ne vient-il pas de tous ces agitateurs, ces apprentis sorciers, ces politiciens du dimanche qui ont injecté dans les coeurs le venin de la haine ? Cette haine qui aveugle au point qu’on se trompe d’adversaire, qu’on s’imagine que la solution réside dans l’extinction de l’autre. Or la religion, à ce que je sache, est amour, tolérance, fraternité. Je me trompe certainement. En réalité, se réclamer de telle ou telle autre religion, dans le cas de la République centrafricaine, mais pas seulement, n’est qu’une mauvaise plaisanterie tant qu’on ne respectera pas la vie humaine. Les pyromanes faiseurs et défaiseurs (permettez ce néologisme) de présidents sur les rives de l’Oubangui avaient-ils prévu ce désastre ?
Comme si cela ne suffisait pas, vous avez vu comme moi, à la télévision, ces militaires en train de lyncher, sur la place publique, à Bangui, un pauvre homme soupçonné d’être un ancien rebelle. Naïvement, je me demande si c’est bien là le rôle d’une armée. Mais où étaient ces matamores lorsque la rébellion s’est emparée du pouvoir ? On pourra me rétorquer que l’armée centrafricaine était sous-équipée, démotivée, clochardisée, dépassée. Peut-être. C’est oublier que, dans la plupart des pays du continent, l’armée sort de son rôle de défenseur de l’intégrité territoriale pour se transformer en bandes de détrousseurs, de racketteurs, de pilleurs, de violeurs qui en font voir de toutes les couleurs à la population. Et tout se passe en toute impunité. Les lyncheurs de Bangui répondront-ils de leurs crimes devant la justice ? J’espère que oui, pour servir d’exemple.
Comment sauver cette terre gorgée du sang des innocents ? Comment mettre hors d’état de nuire tous ces hommes de haine qui fauchent des vies sans aucun remords ? La communauté internationale doit se montrer ferme dans son action. Le rôle de l’Organisation des Nations unies n’était-il pas d’imposer la paix là où elle est menacée ? Je rêve peut-être.
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