« Théorie générale de l’oubli » : et il est comment le dernier José Éduardo Agualusa ?

Le point de départ du dernier roman de José Eduardo Agualusa, « Théorie générale de l’oubli », est une histoire vraie incroyable. Comme les aime l’auteur de « Barroco tropical ».

L’écrivain angolais José Eduardo Agualusa. © DR

L’écrivain angolais José Eduardo Agualusa. © DR

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 26 février 2014 Lecture : 2 minutes.

Si vous n’avez jamais eu l’occasion de lire l’écrivain angolais José Eduardo Agualusa, ne vous fiez pas au titre de son dernier roman. Théorie générale de l’oubli (éd. Métailié, 176 pages, 17 euros) n’a, en effet, rien d’un austère traité philosophique reposant sur une démonstration froide et implacable. Roman existentiel ou fable contemporaine, cette cinquième oeuvre de fiction à être traduite en français est portée par une écriture ronde, poétique, qui vous retient de la lire vite pour la savourer pleinement. Ce qui fait la force de ce livre, c’est sa manière de réinventer un monde à partir d’une histoire vraie incroyable, comme les affectionne l’auteur de Barroco tropical. À l’indépendance de l’Angola, en 1975, une Portugaise, Ludovica Fernandes Mano, s’emmure vivante dans un appartement de Luanda. Elle y restera cloîtrée vingt-huit ans avec pour seule compagnie son chien Fantôme et un cadavre.

Vingt-huit années durant lesquelles elle survit grâce aux maigres récoltes de son potager créé sur sa terrasse et durant lesquelles elle couche par écrit son quotidien. "Les jours s’écoulent comme s’ils étaient liquides. Je n’ai plus de cahier écrire. / J’écris des vers succincts sur les murs, avec des bouts de charbon de bois. / J’économise la nourriture, l’eau, le feu et les adjectifs." À l’ennui succède peu à peu l’effacement au point qu’elle "pourrait écrire une théorie générale de l’oubli."

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Peur du monde

Vingt-huit années durant lesquelles la peur du monde et du ciel la tient éloignée de la fureur de la rue. Luanda est dévorée par la folie d’une nation qui se déchire à l’indépendance et sombre aux mains des "policiers de la pensée". C’est aussi une capitale "bourrée de mystères", avec ses innombrables personnages hauts en couleur qui se battent pour survivre au coeur d’une lutte idéologique sans merci. On y croise un chanteur congolais en exil qui fait danser un hippopotame nain, un jeune homme révolté qui devient un riche entrepreneur, un ex-agent des services secrets qui rêve qu’on l’oublie, un journaliste collectionnant les disparitions, un écrivain avalé par la terre… Les intrigues s’entremêlent pour ne se dénouer que lorsque la vieille femme finit par accepter de recouvrer la vie.

La dictature a laissé place à une autre, qui se remplit "la bouche de grands mots, Justice sociale, Liberté, Révolution, et pendant ce temps les gens dépérissent, tombent malades, beaucoup meurent". Puis "le système socialiste fut démantelé par les mêmes personnes qui l’avaient mis sur pied et le capitalisme ressuscita de ses cendres, plus féroce que jamais". Au final, que faut-il faire pour construire un nouveau vivre-ensemble ? "Les erreurs nous corrigent. Il est peut-être nécessaire d’oublier", croit savoir la vieille femme devenue quasi aveugle. Ce que refuse l’un des personnages, un ancien mercenaire à qui la vie aura offert une seconde chance : "Oublier c’est mourir […]. Oublier c’est capituler."

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Séverine Kodjo-Grandvaux

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