Guinée : Alpha II

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 25 février 2014 Lecture : 2 minutes.

Les violentes échauffourées du 10 février, en grande banlieue de Conakry, entre des habitants exaspérés par les interminables coupures d’électricité et les forces de l’ordre, font partie de ces piqûres de rappel dont il se serait volontiers passé. S’il est une chose dont Alpha Condé est conscient en effet, c’est qu’aux deux tiers de son mandat présidentiel il est plus que temps, s’il souhaite en remporter un second, de s’atteler à réduire les délestages récurrents, les pénuries d’eau courante, le déficit béant des transports et tout ce qui fait le fardeau quotidien des 12 millions de Guinéens. L’ampleur de la tâche ne signifie évidemment pas que rien n’a été réalisé depuis trois ans, c’est même l’inverse.

L’élection fin 2013 de la première Assemblée nationale pluraliste depuis l’indépendance a clos une période de transition au cours de laquelle la Guinée a fait son apprentissage démocratique de façon accélérée, sans essai autorisé ni stage de découverte, et sans droit à l’erreur. Certes, les équilibres qui sous-tendent le nouveau Parlement demeurent avant tout ethniques et régionaux, mais le simple fait que le parti au pouvoir n’y dispose pas de la majorité absolue à lui seul est suffisamment rare en Afrique pour être remarqué.

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Pendant trois ans, malgré de vives tensions internes et en partant d’à peine plus de zéro tant le bilan des gestions antérieures, marquées par la prédation, était catastrophique, Alpha Condé s’est démultiplié sur tous les fronts. À sa manière, parfois brouillonne et improvisée, mais en mouillant le boubou. Il a établi les codes d’une régulation du secteur minier, dégraissé une armée obèse, démantelé les monopoles d’importation du riz, assaini les circuits administratifs et financiers, fait la chasse aux emplois fictifs. Résultat : beaucoup d’ennemis, une tentative d’assassinat, mais la naissance au forceps d’une Guinée nouvelle sur les cendres d’un état mafieux.

Si cet accouchement-là est encore loin d’être terminé, le syli – l’éléphant, emblème national sous Sékou Touré – est, lui, de retour. De Davos au G8, du forum de Londres sur la transparence des industries extractives à la conférence d’Abou Dhabi sur l’investissement, le VRP Alpha Condé a réinscrit la Guinée sur la carte de la mondialisation. Médiateur dans la crise bissau­guinéenne, président du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, à jour dans toutes ses cotisations envers les organisations internationales… Le temps où les chefs d’État guinéens étaient considérés comme infréquentables est révolu.

La bataille politique étant désormais largement circonscrite à l’enceinte de l’Assemblée nationale – tout au moins jusqu’en 2015, année de l’élection présidentielle, ce qui ne lui laisse que peu de temps -, Alpha Condé va bénéficier d’un certain climat de détente propice aux investissements et enfin pouvoir déléguer, quitte à se faire violence, une partie de la gestion quotidienne à ceux de ses collaborateurs que les miasmes du passé n’ont pas contaminés. Ceux qui le fréquentent assurent d’ailleurs que l’homme a changé. Alpha I était déjà président. Désormais, Alpha II "fait" président.

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