Diplomatie : le Maroc, de Laayoune à Tombouctou
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 19 février 2014 Lecture : 3 minutes.
La politique étrangère marocaine n’a jamais fait bon ménage avec les effets de manche, ni avec les déclarations tonitruantes. La réception très médiatisée du chef des Touaregs maliens du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) au palais royal de Marrakech, le 31 janvier, et la mission de bons offices menée par Mohammed VI entre ce mouvement autonomiste et les autorités de Bamako ont donc surpris les observateurs, qui ont aussitôt inscrit cette initiative dans le cadre de la rivalité algéro-marocaine. À tort ? Disons que cette approche n’est pas fausse, mais qu’elle est réductrice. Il existe en effet une vraie politique sahélienne du Maroc, dont la caractéristique est d’être multidimensionnelle, à la différence de celle menée par l’Algérie, avant tout sécuritaire.
Voulu et décliné par le roi lui-même, l’engagement marocain au sud de La Gouera s’articule autour de quatre axes.
Militaire. C’est l’un des non-dits de l’opération Serval au Mali, mais l’appui apporté par Rabat aux troupes franco-tchadiennes en guerre contre les jihadistes en 2013 n’a pas été que diplomatique. Il a été, aussi, opérationnel. Dans la plus grande discrétion, des forces spéciales marocaines ont été engagées sur le terrain. Et le Maroc a intensifié ses programmes de formation, dans les écoles militaires, des cadres issus des armées de plusieurs pays de la région.
Spirituel. L’Afrique de l’Ouest est une plateforme religieuse de 190 millions de musulmans, auprès desquels l’islamisme radical fait volontiers son marché. Dans ce contexte volatile, l’islam malékite et le référentiel soufi prônés par le Maroc constituent un vrai contrepoids et un vrai levier d’influence. Le programme de formation de 500 imams maliens au Maroc et celui visant à construire et à rénover plusieurs dizaines de mosquées au Mali, en Guinée, au Sénégal et au Bénin sont deux des applications de cette politique.
C’est à la demande du MNLA et avec l’accord d’Ibrahim Boubacar Keïta que Mohammed VI a reçu le secrétaire général du mouvement touareg.
Social. La grande pauvreté étant l’un des principaux pourvoyeurs de munitions dans l’arsenal dont disposent les jihadistes, la coopération marocaine a beaucoup investi depuis quinze ans dans des projets de sécurité alimentaire et sanitaire, où son expertise est reconnue : gestion de l’eau, élevage, création de centres de soins. Pays cibles, le Niger et le Burkina. En préparation, par ailleurs : un vaste programme opérationnel de remise à niveau, au Maroc, de plusieurs centaines de hauts fonctionnaires et responsables administratifs sahéliens.
Politique. C’est à la demande du MNLA, qui a en quelque sorte rompu avec l’Algérie, et avec l’accord d’Ibrahim Boubacar Keïta que Mohammed VI a reçu le secrétaire général du mouvement touareg. L’objectif est également de rapprocher IBK de Blaise Compaoré, dont la médiation est rejetée par Bamako depuis quelques mois.
L’inclusion du Maroc dans la crise sahélienne, en particulier malienne, s’appuie donc sur une politique à long terme. Souhaitée par tous les acteurs (à l’exception de l’Algérie), y compris par la France et les États-Unis, elle met un terme à une anomalie. Longtemps, Alger a tenu Rabat à l’écart de tout processus de règlement des conflits dans la zone sahélo-saharienne, allant jusqu’à chercher à lui disputer le leadership religieux dans cette région (on se souvient du congrès de la confrérie Tidjaniya organisé fin 2005 en Algérie). C’était oublier un peu vite que la sécurité du royaume, dans toute sa partie méridionale, est directement concernée par cette situation. En intervenant à Tombouctou, Mohammed VI défend aussi Laayoune.
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