RDC : Vital Kamerhe, jamais tranquille

Tracas judiciaires, restrictions de déplacement, expulsion locative… Les déboires se suivent et se ressemblent pour Vital Kamerhe, qui se présente comme le principal adversaire de Kabila en 2016.

Vital Kamerhe, de passage à JA, en août 2013. © Vincent Fournier pour J.A.

Vital Kamerhe, de passage à JA, en août 2013. © Vincent Fournier pour J.A.

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 24 février 2014 Lecture : 3 minutes.

À sa descente d’avion, le 5 février à Kinshasa, Vital Kamerhe, ton ferme et torse bombé, avait annoncé la couleur : "Peuple congolais, n’aie pas peur ! Nous allons de l’avant !" L’opposant revenait d’Afrique du Sud en catastrophe pour livrer bataille. La veille, le procureur du tribunal de grande instance de La Gombe (un quartier administratif de la capitale) avait prononcé un réquisitoire particulièrement sévère dans une ancienne affaire de "dénonciation calomnieuse" : trois ans de prison ferme. Ce qui menaçait de lui faire passer l’élection présidentielle, prévue pour fin 2016, derrière les barreaux.

Ce réquisitoire fait étrangement remonter à la surface un vieux dossier. Après la présidentielle de 2011, Kamerhe avait adressé aux observateurs internationaux une lettre accusant de fraude Wivine Moleka, une députée du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir). Celle-ci, qui est par ailleurs la soeur d’Albert Moleka, directeur de cabinet de l’opposant Étienne Tshisekedi, avait déposé plainte en décembre 2011. "Je la connais très bien, explique Kamerhe. Elle faisait partie de ma cellule de communication du temps où j’étais commissaire général du gouvernement. Puis, lorsque j’étais secrétaire général du PPRD, c’est moi qui lui avais accordé l’investiture pour la députation en 2006."

Les déboires de Kamerhe sont toujours très médiatisés.

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Pour celui qui est entre-temps passé à l’opposition en tant que président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), les déboires – toujours très médiatisés – se suivent et se ressemblent. Le 7 février, au petit matin, Kamerhe était expulsé d’un logement public qu’il louait depuis 2004. Le même jour, un avion qu’il avait affrété pour l’emmener, avec sa délégation, en tournée dans l’est du pays (notamment à Goma et dans son fief de Bukavu) se voyait interdire de décollage – la compagnie de location n’aurait pas réglé ses précédentes factures. Rebelote deux jours plus tard : alors qu’il tentait de prendre place à bord d’un appareil de la Compagnie africaine d’aviation en partance pour Goma, Kamerhe était arrêté sur le tarmac de l’aéroport de Ndjili, près de Kinshasa, au motif qu’il n’aurait pas présenté sa carte d’identité – il avait pourtant son passeport sur lui.

"Vital Kamerhe m’a appelé pour se plaindre, raconte Richard Muyej, le ministre de l’Intérieur. J’ai été surpris de découvrir qu’il était à l’aéroport, car nous avions un rendez-vous le lendemain, justement pour préparer cette visite. Je lui ai déconseillé de prendre cet avion, car ses partisans s’agitaient à Bukavu. C’est ma responsabilité de garantir la paix dans cette région fragile." Reste que la délégation de l’Union européenne en RD Congo a jugé la situation assez grave pour se fendre d’un communiqué déplorant les "restrictions de déplacement" dont Kamerhe, entre autres, a fait l’objet. Finalement, sa "caravane de la paix" fera l’objet d’incidents graves à Bukavu, le 20 février, quand la répression musclée d’un meeting de l’opposant par les forces de l’ordre a fait au moins 20 blessés.

"Kamerhe se donne en spectacle"

Kinshasa cherche-t-il à l’éliminer politiquement, comme celui-ci le prétend ? Il est certain que l’opposant fait grincer des dents au PPRD. Auteur d’une tribune très critique dans Jeune Afrique fin janvier, il se pose en principal adversaire de Joseph Kabila pour 2016. De fait, il n’est pas certain que le président du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean-Pierre Bemba, détenu par la Cour pénale internationale, soit fixé sur son sort d’ici là. Quant au leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Étienne Tshisekedi, que l’on dit très fatigué, il aura alors 83 ans.

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"Kamerhe n’est pas persécuté, balaie Richard Muyej. Il se donne en spectacle et va crier dans les chancelleries, mais c’est pour se victimiser." Après une réunion entre le ministre de l’Intérieur et l’équipe de l’opposant, le 12 février à Kinshasa, l’heure est néanmoins à la décrispation. "L’échange était apaisé, assure Kamerhe. Nous avons obtenu l’assurance de pouvoir effectuer sans entrave notre tournée dans l’est du pays. Quant aux juges, ils ont décidé de ne pas suivre les réquisitions du procureur." En attendant un prochain rebondissement, cet épisode aura en tout cas présenté un avantage pour Kamerhe : celui de convaincre les électeurs de l’opposition que son compagnonnage avec le camp présidentiel est bel et bien terminé.

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