Congo : bons souvenirs du protocole de Brazzaville

Chefs d’État, Prix Nobel, anciens espions… Il y avait du beau monde à Brazzaville à l’occasion de l’anniversaire du protocole historique de Brazzaville qui permit, il y a vingt-cinq ans, de ramener la paix en Afrique australe.

Denis Sassou Nguesso et Jacob Zuma, le 11 février. © Baudouin Mouanda pour J.A.

Denis Sassou Nguesso et Jacob Zuma, le 11 février. © Baudouin Mouanda pour J.A.

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 26 février 2014 Lecture : 3 minutes.

D’habitude, ils fuient les projecteurs. Mais ce 11 février, une fois n’est pas coutume, anciens espions, diplomates et politiciens étaient réunis autour d’une table sur le podium du Palais des congrès de Brazzaville. Tous ont accepté l’invitation du président congolais, Denis Sassou Nguesso, à venir célébrer le 25e anniversaire – repoussé à la suite du décès de Nelson Mandela – du Protocole de Brazzaville sur la paix en Afrique australe, signé le 13 décembre 1988.

C’est grâce à cet "accord miracle" que la Namibie obtint son indépendance, que les troupes cubaines et sud-africaines se retirèrent d’Angola et que les négociations s’engagèrent en Afrique du Sud entre la majorité noire et le pouvoir. Deux années plus tard, Nelson Mandela était libéré. C’est en pleine période de violence que le protocole fut signé. En Namibie, occupée par l’Afrique du Sud, la guerre durait déjà depuis treize ans. En Angola, 52 000 soldats cubains, venus en renfort du MPLA de José Eduardo dos Santos, combattaient l’armée sud-africaine et l’Unita de Jonas Savimbi soutenues par les Américains. Devenue l’un des théâtres de la guerre froide, l’Afrique australe était l’un des points de désaccords qui opposaient le président américain Ronald Reagan et le numéro un soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Le processus de paix était alors dans l’impasse. Mais Brazzaville entra en jeu et enclencha un cercle vertueux.

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Diplomatie souterraine et espionnage à l’honneur

Aujourd’hui, les acteurs de cet accord veulent que l’Histoire leur rende justice. Des personnalités de la diplomatie souterraine et de l’espionnage ont défilé, dont l’ancien cadre de la CIA Michael Ledeen, le négociateur angolais Antonio França Ndalu et même Nick Du Toit. Au bras de sa femme, Belinda, ce dernier n’avait plus rien de ce membre des forces spéciales sud-africaines capturé en Angola par les Cubains alors qu’il s’apprêtait à saboter des installations d’une compagnie pétrolière américaine. Sa libération avait été l’occasion d’un vaste échange de prisonniers. Également présents : Michel Roussin, Jean-Christophe Mitterrand, Hervé Bourges, ces personnalités incontournables de la Françafrique. Mais aussi le président sud-africain Jacob Zuma, le Togolais Faure Gnassingbé, le Santoméen Manuel Pinto da Costa, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, les Prix Nobel Mohamed el-Baradei et Muhammad Yunus, et l’ex-présidente irlandaise Mary Robinson…

Cette commémoration est aussi une belle opération de communication pour le chef de l’État congolais.

Après la projection du documentaire Plot for Peace, la cérémonie a pris des faux airs de making of, avec l’organisation d’un jeu de questions-réponses. Sur scène : plusieurs intervenants, dont le Finlandais Martti Ahtisaari, Prix Nobel de la paix, qui a été envoyé spécial des Nations unies pour la Namibie, et Jean-Yves Ollivier, le héros du film, silhouette épaisse, chevelure poivre et sel et poignée de main énergique. Ce mystérieux homme d’affaires français avait réussi à convaincre les Occidentaux et les Africains de discuter avec le pouvoir raciste. Né en Algérie en 1944, il a vécu l’exode des pieds-noirs, et a persuadé le gouvernement de Pieter Botha que la minorité blanche pouvait encore éviter la catastrophe. Grâce à ses entrées à Pretoria et à ses accointances avec les services secrets français, il est parvenu à réunir les belligérants et leurs parrains des blocs de l’Est et de l’Ouest dans un hôtel de Brazzaville.

Cette commémoration est aussi une belle opération de communication pour le chef de l’État congolais. En rappelant ainsi son premier fait d’armes de médiateur, Denis Sassou Nguesso conforte sa stature de facilitateur régional, notamment en Centrafrique. À preuve, Catherine Samba-Panza, la présidente centrafricaine, arrivée le 8 février à Brazzaville pour s’entretenir avec lui, est repartie dans un avion rempli de médicaments offerts par son homologue congolais.

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Georges Dougueli, envoyé spécial à Brazzaville

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