Mali : Sanogo, sa vie entre quatre murs

Inculpé de complicité dans la disparition d’une vingtaine de « bérets rouges », l’ancien chef de la junte, Amadou Haya Sanogo, est incarcéré depuis plus de deux mois. Mais pas en prison : à l’École nationale de gendarmerie.

Le 28 juillet 2013 lors du premier tour de la présidentielle. © Emilie Regnier pour J.A.

Le 28 juillet 2013 lors du premier tour de la présidentielle. © Emilie Regnier pour J.A.

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Publié le 24 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Depuis plusieurs semaines, l’École nationale de gendarmerie de Faladié, à Bamako, héberge un pensionnaire atypique. Pas l’un des jeunes adjudants en formation qu’on y croise d’ordinaire, mais un haut gradé bien connu de ses compatriotes : Amadou Haya Sanogo, auteur du coup d’État du 22 mars 2012 contre le président Amadou Toumani Touré (ATT), qui y est placé en détention provisoire depuis son arrestation, le 27 novembre 2013.

Ce jour-là, l’ex-homme fort du Mali, fraîchement promu général quatre étoiles, tombe de son piédestal. Il est inculpé par le juge Yaya Karembé de "complicité d’enlèvement de personnes" dans l’enquête sur la disparition d’une vingtaine de "bérets rouges" (commandos parachutistes) fidèles à ATT, qui avaient tenté un contre-coup d’État le 30 avril 2012. Pis, celui qui se pensait intouchable est écroué dans la foulée.

Il tue le temps en regardant des chaînes d’information en continu, telles CNN et France 24, ou en se plongeant dans des livres en français et en anglais.

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Depuis, l’ancien putschiste prend son mal en patience. Il tue le temps en regardant des chaînes d’information en continu, telles CNN et France 24, ou en se plongeant dans des livres en français et en anglais. Musulman pratiquant, il lit également le Coran et fait ses cinq prières quotidiennes. Levé tôt le matin, couché tard le soir, il est toujours en uniforme, tiré à quatre épingles, ses galons de général bien visibles sur les épaules.

Une file d’attente de plusieurs personnes pour voir Sanogo

Le chef du défunt Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE, l’ex-junte) reçoit aussi beaucoup. Tellement, même, que l’un des derniers à l’avoir rencontré évoque une "file d’attente de plusieurs personnes" patientant pour le voir. Tous les visiteurs doivent au préalable obtenir une autorisation écrite du juge Karembé.

Parmi eux, des membres de sa famille, mais aussi d’anciens partisans ou collaborateurs. Figure controversée de la scène politique malienne, Oumar Mariko, qui avait soutenu le coup d’État du 22 mars, rencontre régulièrement l’ancien homme fort de Bamako. "Il a un excellent moral et n’a pas perdu son sens de l’humour, confie-t-il. À chaque visite, nous discutons durant plusieurs heures autour d’un thé dans sa cellule. Il est à la fois serein pour la suite de la procédure et amer parce qu’il considère qu’il n’a rien à faire en détention."

Même si Mariko parle d’une cellule, l’école de gendarmerie fait figure de prison dorée.

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Même si Mariko parle d’une cellule, l’école de gendarmerie fait figure de prison dorée. Amadou Haya Sanogo n’est pas enfermé comme un prisonnier de droit commun, mais confiné dans un espace de vie que ses proches refusent de décrire, et surveillé par un dispositif de sécurité renforcé. Il n’y retrouve certes pas le confort du camp militaire de Kati, mais on est loin de la chaleur étouffante et des cellules surchargées de la prison civile de Bamako. Pourtant, au ministère de la Justice, on soutient que le général ne bénéficie d’aucun traitement de faveur.

Enfin, l’ex-putschiste se consacre à la préparation de sa défense. Ses deux avocats, Harouna Toureh et sa consoeur sénégalaise Dior Diagne, lui rendent régulièrement visite. D’après Me Toureh, son client "se porte à merveille et n’est pas maltraité". "Nous sommes confiants, nous croyons en un futur acquittement, ajoute-t-il. Nous nous préparons à une nouvelle audition par le juge, pour cette fois être entendus sur le fond du dossier." Une demande de remise en liberté conditionnelle a été formulée. Elle est pour l’heure restée sans réponse.

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Benjamin Roger

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