« Nul sentier ne conduit à l’arbre qui ne porte pas de fruits »

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 17 février 2014 Lecture : 2 minutes.

À sa parution, en 2006, nous avions dans ces colonnes dit tout le bien que nous pensions de l’ouvrage salutaire L’Afrique des idées reçues, dirigé par le géographe français Georges Courade, l’un des meilleurs spécialistes des problèmes de développement en Afrique. Sous un titre un peu convenu (Les Afriques au défi du XXIe siècle, de Georges Courade, éd. Belin, 2014, 320 pages, 26 euros), mais avec la même veine à la fois pédagogique, décentrée, lucide et dérangeante, Courade nous livre la suite de ses itinérances. De cette exploration, en dix-huit chapitres limpides, des chemins possibles des "Afriques" en devenir se dégagent parmi bien d’autres quelques pistes de réflexion essentielles.

Le défi majeur, en Afrique subsaharienne, a pour nom la jeunesse. On estime à 20 millions le nombre des 15-24 ans déscolarisés et désoeuvrés, masse désemparée prête à toutes les aventures, de l’émigration clandestine à la délinquance, et ouverte à toutes les manipulations, ethniques ou politiciennes. Cette bombe à retardement peut cependant devenir un puissant facteur de changement positif, à condition de lui offrir un avenir. Certes, le salarié africain est le moins cher du monde – quatre fois moins cher qu’un ouvrier chinois ! -, mais cet avantage comparatif, qui devrait inciter les investisseurs à créer des emplois, signifie-t-il pour autant que l’Afrique est compétitive ? Non, car la compétitivité n’est pas qu’une affaire de coût du travail. Elle dépend tout autant du niveau d’éducation, des infrastructures, de l’accès aux capitaux et de l’utilisation des compétences. Or l’un des handicaps majeurs du continent est que les compétences n’y sont bien souvent pas reconnues, que les cadres honnêtes y ont moins de chance de réussir que ceux qui ne le sont pas et que les aînés ne cessent d’empêcher les cadets d’émerger.

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Ce dernier point est important, car il nous faut bien parler culture. Se demander par exemple avec Courade si la greffe démocratique importée et ses procédures occidentales d’élections pourront réellement prendre tant que dans la plupart des autres instances de la vie – famille, religion, entreprises, etc. – les individus restent soumis à des formes autoritaires de pouvoir. Parler d’enracinement d’une culture de la démocratie alors que les normes citoyennes se délitent, que règne la mal-gouvernance (pas partout, heureusement) et que la combinaison des deux donne naissance à de véritables sociétés inciviles, n’est-ce pas un leurre ? Comment peut-on exiger des Africains qu’ils accomplissent en quelques décennies ce que la France a mis plus d’un siècle à bâtir ? Comment passer presque du jour au lendemain de la recherche du consensus et de la soumission des gouvernés, gage ancestral de survie de la communauté, au vote individuel dans l’isoloir ? "On voudrait que nous fassions notre révolution sous le contrôle des ONG", a dit un jour l’historien Laurent Gbagbo. 1789 sous l’oeil d’Amnesty International : on imagine les rapports incendiaires ! C’est pourtant ce que la conscience internationale attend aujourd’hui de l’Afrique. Est-ce vraiment raisonnable ?

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