Une nouvelle Amérique
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 20 février 2014 Lecture : 4 minutes.
Barack Obama, premier président noir des États-Unis d’Amérique. On se pose de plus en plus de questions sur son action à la tête de la Maison Blanche, et une certaine presse a même osé s’aventurer sur le terrain de sa vie privée pour s’interroger sur la solidité de son couple…
Le 21 janvier, ce président, dont le père était kényan, a lancé à une cinquantaine de chefs d’État africains une invitation au "sommet États-Unis – Afrique" – le premier du genre – qui se tiendra à Washington, les 5 et 6 août prochain.
Le 28 janvier, il prononçait son discours sur l’état de l’Union : c’était sa sixième prestation dans cet exercice annuel, et l’on sait que, l’année prochaine, à cette date, il prononcera l’avant-dernier : il sera alors, déjà, dans la seconde moitié de son dernier mandat présidentiel.
Début février, on l’a vu recevoir en grande pompe le président François Hollande, qui effectuait une visite d’État en Amérique.
En janvier et février, Barack Obama a été sous les feux de la rampe plus que jamais auparavant, et les Africains, en particulier, l’ont beaucoup vu et entendu ces derniers jours.
J’ai donc pensé que c’était le moment de répondre aux questions que nous nous posons à son sujet.
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Inespérée ou presque, sa victoire de 2008 nous a émoustillés ; elle a été considérée dans le monde entier comme un événement historique, et l’on a placé sur les épaules de ce jeune et beau président – plume de talent et orateur doué de surcroît – d’immenses espoirs qui ne pouvaient qu’être déçus.
Beaucoup d’entre nous sont désappointés et formulent ce sentiment de diverses manières.
Je le suis moi-même quelque peu, mais je voudrais attirer l’attention sur les conséquences positives de l’élection d’Obama, de sa réélection et même de son exercice du pouvoir.
Ignorées ou sous-estimées, ces conséquences positives sont cependant considérables.
Ceux qui ont connu la Maison Blanche de George W. Bush, et même, avant lui, celle du démocrate Bill Clinton, sont frappés par l’ampleur du changement.
Ce qu’on appelle la West Wing (aile ouest) de la Maison Blanche, qui comprend trois niveaux, abrite au rez-de-chaussée le président, son célèbre Bureau ovale, la Cabinet Room, le Rose Garden, son secrétariat et ses plus proches collaborateurs.
Elle n’est plus occupée à 90 % par de très hauts fonctionnaires wasp (White Anglo-Saxon Protestant : Angol-saxon protestant blanc) de 60 ans ou plus. En 2014, on y voit au travail des hommes et des femmes plus jeunes, de la génération Obama (45 à 50 ans) ; une bonne partie d’entre eux sont africains-américains, hispaniques, juifs (de gauche) ; les femmes sont nettement plus nombreuses qu’il y a cinq ou dix ans ; les "gays" sont plus visibles.
C’est la nouvelle Amérique. Elle a accédé au pouvoir il y a cinq ans avec l’élection d’Obama et a peu à peu pris ses marques ; elle occupe la Maison Blanche.
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Elle est de centre gauche, égalitariste, et les minorités y sont largement représentées. Elle incarne l’actuel sommet du pouvoir américain, dont la sensibilité tranche avec celle des proches de George W. Bush, même si ces derniers ont compté parmi eux Colin Powell et Condoleezza Rice, tous deux noirs.
Ses analyses et sa vision du monde sont tout aussi différentes : l’occupation des territoires palestiniens par Israël et leur colonisation choquent cette nouvelle Amérique ; Netanyahou et sa rhétorique ne sont pas de son monde ; le nouveau président iranien, Hassan Rohani, et ce qu’il professe l’intéressent, tandis que le wahhabisme des Saoudiens lui paraît d’un autre âge.
Susan Rice, Africaine-Américaine de 49 ans, conseillère du président pour la sécurité nationale après avoir été la représentante permanente des États-Unis auprès des Nations unies, est représentative de cette nouvelle Maison Blanche.
Les chefs d’État africains qui vont se rendre à Washington en août prochain pour participer au sommet États-Unis – Afrique feraient bien de tenir le plus grand compte de ce renouvellement : la Maison Blanche a changé ; celle qui prépare la rencontre entre Obama et ses pairs africains n’a rien à voir avec celle que leurs aînés (ou les plus anciens d’entre eux dans la fonction) imaginent ou ont pu connaître.
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Même si Barack Obama s’est gardé de bousculer le système solidement établi qu’il a trouvé à son arrivée, son élection et sa réélection l’ont modifié plus qu’il n’y paraît.
Le juriste américain Randall Kennedy (professeur de droit à Harvard) l’a constaté et le dit éloquemment :
"Un homme noir (accompagné de son épouse noire) a occupé la Maison Blanche. Un homme noir a été le commandant en chef des forces américaines. Un homme noir a été la personne dont l’action a été la plus commentée au cours des six dernières années aux États-Unis.
Si un Noir peut être président des États-Unis, alors un Noir peut accéder à toutes les fonctions. L’élargissement des horizons sera l’héritage le plus important du phénomène Obama.
Son administration a tranquillement pris des décisions favorables aux minorités ethniques. Certaines de ces décisions ne sont pas raciales dans leurs motivations ou dans leurs formes, mais aident de manière considérable les minorités, comme, par exemple, la réforme de l’assurance maladie et les efforts consentis pour diminuer le nombre d’Américains emprisonnés pour des délits non violents.
L’administration Obama dépense beaucoup plus d’énergie que les précédentes pour faire appliquer les lois qui interdisent les discriminations des Noirs à l’embauche, en matière de logement et de vote.
Et, contrairement à l’administration Bush, l’administration Obama défend la discrimination positive."
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