Côte d’Ivoire – FPI : Laurent Gbagbo, le souvenir s’estompe
Officiellement, tout le FPI lui est fidèle. Mais en réalité, Laurent Gbagbo, reclus à La Haye, perd peu à peu de son influence sur son parti.
Il n’y aura sans doute pas de match retour entre le président Ouattara et son prédécesseur Laurent Gbagbo en 2015. D’abord parce que l’horizon judiciaire n’est pas près de s’éclaircir pour l’ancien chef de l’État ivoirien, incarcéré depuis novembre 2011 à la prison de Scheveningen, à la Haye. Tirant les enseignements de son échec du 3 juin 2013, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, a fortifié le dossier d’accusations de "crimes de guerre et de crimes contre l’humanité" portées contre l’ancien président du Front populaire ivoirien (FPI). L’équipe formée à Abidjan autour de Marcel Amon-Tanoh, directeur de cabinet du président Ouattara, a aidé les enquêteurs à réunir de nouvelles preuves matérielles, à obtenir de nouveaux témoignages – y compris ceux de militaires directement impliqués – et à filmer de nouvelles scènes de crimes. Un travail qui aurait considérablement enrichi le dossier déposé le 13 janvier par le bureau du procureur devant la Chambre préliminaire. Deux des avocats de l’État, Jean-Paul Benoît et Jean-Pierre Mignard, affichaient ces derniers jours une certaine assurance. "C’est du 60 % pour nous, contre 40 % pour nos adversaires", confiait l’un d’eux.
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Gbagbo ne retrouvera plus la stature qui fut la sienne
Dans le camp de l’ancien chef de l’État, on affiche un avis totalement contraire. "Il n’y a aucun élément nouveau. L’accusation, affirme un proche de la défense, a ajouté du nombre mais pas de la qualité." Un des récents visiteurs de Gbagbo raconte, quant à lui, que son moral n’a jamais été aussi haut. Reste que le calendrier judiciaire ne plaide pas en sa faveur. La chambre préliminaire ne se réunira qu’en mars ou au début d’avril pour examiner les nouvelles charges. Elle rendra alors sa décision au plus tôt à la mi-mai. Ensuite, quel que soit le jugement, il y aura un appel, soit de l’ancien président soit du bureau du procureur, qui ne pourra pas être examiné avant octobre.
Et même s’il franchissait l’obstacle judiciaire, Gbagbo ne retrouvera plus au FPI la stature du grand commandeur qui fut la sienne.
Et même s’il franchissait l’obstacle judiciaire, Gbagbo ne retrouvera plus au FPI la stature du grand commandeur qui fut la sienne. La ligne du "tout pour Gbagbo et rien sans lui", tenue notamment par Aboudramane Sangaré et Laurent Akoun, respectivement premier vice-président et secrétaire général du FPI, a perdu du terrain. Si elle a obtenu le boycott des législatives de décembre 2011, des municipales et des régionales de 2013, elle n’a pas pu empêcher l’ouverture des négociations directes entre le FPI et le pouvoir. Que s’est-il alors passé pour que le camp des pragmatiques, emmené par l’ancien Premier ministre Affi N’Guessan, reprenne le dessus ? Officiellement, tout le monde dit rester fidèle au "président-fondateur" du parti. Mais en coulisses, de nombreuses personnalités estiment qu’on ne peut réduire le combat politique à la seule libération de Gbagbo.
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Qu’en est-il de la participation du FPI à la présidentielle de 2015 ?
Les tenants de cette thèse ont trouvé un allié inattendu : le président Ouattara. La ligne Affi N’Guessan a été confortée par la libération, le 5 août 2013, d’une quinzaine de personnalités de premier plan du camp, parmi lesquelles l’ancien Premier ministre lui-même. Le transfert à Abidjan des militaires proches de l’ancien président détenus dans le nord du pays et le retour des exilés n’ont fait que renforcer le climat de détente. Il reste toutefois à savoir ce qu’il en est de la participation du FPI aux prochaines échéances électorales, à commencer par la présidentielle de 2015. Ce point devrait être débattu lors des prochaines instances du parti, assises nationales ou congrès, prévues en 2014. Mais que pense Gbagbo, depuis sa cellule, de cette évolution ?
"Il est au courant de tout. Il suit l’actualité de la Côte d’Ivoire et du parti. Il n’a aucune récrimination contre la façon dont les choses évoluent", jure un proche de retour d’une visite à La Haye.
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