Michaël Prazan : « La confrérie n’a pas d’ADN démocratique »

Paranoïaques, autoritaires… mais très pragmatiques. Pour l’essayiste français, les Frères savent s’adapter, mais leur but ne varie pas : l’avènement d’un califat mondial.

Michaël Prazan considère les Frères musulmans comme une idéologie totalitaire. © DR

Michaël Prazan considère les Frères musulmans comme une idéologie totalitaire. © DR

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 21 février 2014 Lecture : 2 minutes.

JEUNE AFRIQUE : Votre dernier livre est consacré aux Frères musulmans. Alors, secte, mouvement politique ou parti normal ?

MICHAËL PRAZAN : Les trois ! Comme une secte, les Frères vivent en vase clos et ont cette volonté de couper la recrue de sa famille lorsque celle-ci n’est pas sur leur longueur d’onde. Quant à leur ambition politique, elle est manifeste dès la création du mouvement. Enfin, ils se présentent comme un parti normal quand ils le peuvent et que cela sert leurs intérêts. Tout idéalistes qu’ils soient, ils sont pragmatiques, et le jeu démocratique peut être une opportunité dont ils profitent à partir du moment où elle leur permet d’obtenir le pouvoir.

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Une fois au pouvoir, respecteraient-ils toujours ce jeu ?

Je ne crois pas. La démocratie est pour eux un pis-aller ou un tremplin vers le pouvoir, mais dans leur vision il ne faut pas lâcher le pouvoir une fois qu’il a été conquis. La confrérie n’a pas d’ADN démocratique.

Des dissimulateurs ?

Cette dissimulation s’adresse tout d’abord aux Occidentaux. Le mensonge est interdit par l’islam, sauf quand il s’adresse à ses ennemis et qu’il sert ses propres intérêts. On a imputé à des gens comme Tariq Ramadan un double discours. C’est peut-être plus compliqué que cela. Il y a, à l’égard de l’Occident, plus que des a priori : les Frères sont persuadés que son objectif fondamental est la destruction de l’islam. Ils ont une vision paranoïaque, obsidionale du monde. Et très dangereuse, car si l’ennemi est puissant, la seule manière de s’en sortir est de le combattre et de le détruire.

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Votre essai est sous-titré : "Enquête sur la dernière idéologie totalitaire". Qu’entendez-vous par là ?

Les Frères ont une vision très autoritaire du pouvoir et la certitude de détenir la vérité contre tous. Lorsque Morsi a dû lâcher le pouvoir en Égypte, ils ont argué que seule la confrérie avait raison, et que leurs compatriotes étaient manipulés par des comploteurs coptes, juifs ou américains. C’est une vision totalitaire du monde qui, à terme, ne souffre aucune opposition. C’est aussi une idéologie universaliste, qui veut appliquer à la terre entière et de manière exclusive sa conception de la religion.

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Cette idéologie est-elle immuable ou capable d’évolution ?

C’est un cadastre, un logiciel : par pragmatisme, ils peuvent s’adapter, ils peuvent changer de programme… mais pas de logiciel. Il n’y a qu’une manière de voir, qu’une manière de faire pour aboutir à long terme à l’institution du califat mondial.

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Propos recueillis par Laurent de Saint Perier

– À lire Frères musulmans : enquête sur la dernière idéologie totalitaire, de Michaël Prazan, Grasset, janvier 2014, 432 p., 22 euros.

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