Tunisie : l’Instance électorale est-elle inféodée à Kaïs Saïed ?

Moins de membres, pas de femme, surreprésentation des magistrats… La nouvelle configuration de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) pose précisément la question de l’indépendance de cette institution centrale de la vie démocratique tunisienne.

Des membres de l’Isie pendant l’opération de décompte des voix lors de la présidentielle de 2019, dans un bureau de vote de l’Ariana, près de Tunis. © FETHI BELAID/AFP

Publié le 12 mai 2022 Lecture : 2 minutes.

Les Tunisiens semblent l’avoir oublié, pourtant le calendrier électoral est clair : pour mettre en place son projet de IIIe République, le chef de l’État, Kaïs Saïed, va solliciter un plébiscite populaire via un référendum prévu le 25 juillet et ancrer ses structures institutionnelles avec les législatives du 17 décembre 2022.

Après les démantèlements de l’Instance contre la corruption (Inlucc) et de l’Instance provisoire de la constitutionnalité des lois, la dissolution de l’Assemblée et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) était dans la ligne de mire de Kaïs Saïed, qui en a modifié le statut par décret le 21 avril 2022 et désigné par un autre décret, émis le 9 mai, les sept membres de son nouveau bureau.

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Quatre magistrats

Le président a nommé trois membres qui ont déjà exercé des mandats au sein de l’instance : le magistrat Farouk Bouasker, qui devient président de l’Isie, dont il était jusque-là le vice-président, le notaire Sami Ben Slama, qui avait claqué la porte de l’instance en 2012, et l’avocat Mohamed Tlili Mansri, qui en a été le président en 2017.

Le passage de neuf à sept membres révocables illustre l’assise du président, qui veut une configuration qu’il peut contrôler aisément

Un trio qui peut donc se prévaloir d’une certaine expérience. Le président a en outre désigné trois juges parmi ceux proposés par le corps des magistrats financiers, judiciaires et administratifs, et un ingénieur parmi ceux proposés par le Centre national de l’informatique. Des inconnus qui auront a assumer une mission technique en lien avec leur département d’origine.

L’objectif : assurer la bonne marche de la machine référendaire. L’Isie aura aussi son mot à dire sur le volet technique des élections, notamment la mise en adéquation du code électoral qui sera adopté pour les législatives à l’aune de la nouvelle Constitution, laquelle doit être approuvée par référendum le 25 juillet.

Moins représentative

Passée de neuf à sept membres, tous issus de deux organisations nationales, la direction de l’Isie n’est pas représentative de la diversité du pays.

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« En 2011, les conditions et le mécanisme étaient différents. Mais la diversité sociale ou de parcours n’a pas empêché qu’il y ait également une forme d’homogénéité autour de Kamel Jendoubi, ex-président de l’Isie, qui a été ensuite visé par une cabale fomentée par les islamistes », tempère Larbi Chouikha, qui a représenté le corps des journalistes au sein de l’Isie en 2011.

Son ancienne collègue, l’économiste Souad Triki, s’insurge : « C’est une aberration qu’après tout le combat des féministes, aucune femme ne soit membre du nouveau bureau de l’instance ! »

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L’absence de représentativité de certains corps, comme celui des médias, et la place prise par les magistrats en disent long sur le besoin de contrôler l’appareil de l’instance. « Le passage de neuf à sept membres révocables illustre l’assise du président, qui veut une configuration qu’il peut contrôler aisément », conclut une ancienne membre de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.

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