Deux lobbies israéliens

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 13 février 2014 Lecture : 5 minutes.

N’en doutez pas, l’accalmie actuelle ne va pas durer : semaine après semaine, nous allons voir la tension monter jusqu’au jour de la grande explication, du showdown cher aux Anglo-Saxons.

En ce moment même, chez les principaux protagonistes, se mettent en place les dispositifs politico-militaires en vue des batailles qui vont s’engager en mars et avril prochains.

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Je parle du Moyen-Orient, bien sûr, et de ses nombreux foyers de crise sur lesquels va se concentrer de nouveau l’attention des chancelleries et de la presse.

Jugez-en.

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1) La guerre civile syrienne. Après la seconde rencontre de Genève, elle est entrée dans une nouvelle phase : réparties en deux camps, les puissances qui la mènent par Syriens interposés vont prolonger le bras de fer pour montrer à leurs protégés respectifs que la solution ne peut être que politique.

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2) Les élections égyptiennes. Présidentielle et législatives, on les prépare pour couronner le processus de restauration amorcé en juillet 2013.

Il n’aura fallu que neuf mois au jeune et fringant général-président Abdel Fattah al-Sissi, qui a destitué le président élu, l’islamiste Mohamed Morsi, pour remplacer – pour de bon – un général-président vieillissant, Hosni Moubarak.

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Ce dernier avait été lâché dès 2011 pour avoir oublié qu’il avait été fait président par la volonté de l’armée. Il ne s’était pas rendu compte non plus que l’on avait changé de siècle et que l’Égypte d’aujourd’hui, qui est passée de 40 millions à plus de 80 millions d’habitants en une génération, n’est plus celle dont il avait hérité en 1981.

Sissi et son gouvernement vont s’atteler à rénover l’Égypte, qui en a bien besoin, et à lui imprimer un nouveau départ : des alliances renouvelées, une autre politique économique et une image différente verront le jour dans la seconde moitié de 2014.

3) Le conflit israélo-palestinien. Le vice-président des États-Unis, Joe Biden, et la candidate à la succession de Barack Obama, Hillary Clinton, l’ont déclaré avec force à l’intention du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou : l’Amérique et son président sont engagés par l’accord-cadre traçant les grandes lignes d’un règlement définitif du conflit israélo-palestinien que le secrétaire d’État des États-Unis, John Kerry, va rendre public dans les prochaines semaines.

Ils ont estimé nécessaire de le souligner publiquement pour que nul n’en ignore.

Ils annoncent ainsi que la "guerre froide" engagée il y a cinq ans entre Benyamin Netanyahou et Barack Obama à propos de l’Iran et du conflit israélo- palestinien va se rallumer d’un moment à l’autre…

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Ceux qui, comme moi, suivent de près ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir à Washington savent que le lobby pro-israélien, l’Aipac (American Israel Public Affairs Committee), dont Netanyahou a fait sa chose et qu’il aiguillonne en permanence depuis Jérusalem, mène la vie dure au président Obama et à son administration.

Sur ce "front interne", les pouvoirs de ces deux pays alliés se livrent en permanence, aux États-Unis même, une guéguerre dont les péripéties méritent d’être contées car elles préfigurent ce qui se passera demain sur le terrain moyen-oriental.

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L’Aipac existe depuis 1951 et a pour objectif de "renforcer, de protéger et de promouvoir les relations Israël – États-Unis". Son inclination droitière proche des positions du Parti républicain s’est renforcée avec le temps et a suscité, en contrepoids, la création, en avril 2008, de J Street.

C’est un second lobby pro-israélien, mais moins riche et moins puissant ; il rassemble des Juifs américains plus jeunes, proches du Parti démocrate américain et de la gauche israélienne.

L’Aipac tiendra son assemblée annuelle dans un mois : il affirme compter plus de 100 000 adhérents et disposer d’un budget de l’ordre de 100 millions de dollars par an.

Il fait élire ou battre, à sa guise ou presque, députés et sénateurs, détenant ainsi un pouvoir redoutable : on le sollicite, on le craint, et l’on constate qu’il est en mesure de faire voter par la Chambre des représentants et le Sénat les textes de lois auxquels il tient.

Il a connu une défaite face à Ronald Reagan, qui avait réussi à vendre des avions Awacs à l’Arabie saoudite en dépit de l’opposition d’Israël. Puis une autre lorsque le président Bush père a bravé son opposition pour refuser un crédit important à l’État hébreu.

Mais Ronald Reagan et George H. Bush étaient tous les deux républicains, et leurs victoires sur l’Aipac remontent au siècle dernier.

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Dans l’épreuve de force entre le Premier ministre israélien et le président des États-Unis, ce dernier pourra bénéficier, en 2014, de l’aide du second lobby israélien, J Street, qui s’affirme d’année en année et représente les Juifs américains favorables à un accord israélo-arabe.

L’Aipac, qui obéit, lui, à Netanyahou, s’en est trouvé affaibli et commence à cumuler les défaites.

En janvier 2013, il n’a pas réussi à empêcher le président des États-Unis de nommer Chuck Hagel secrétaire à la Défense ; pas plus qu’il n’a pu, en septembre dernier, convaincre le Congrès d’autoriser Barack Obama à bombarder la Syrie.

Mais son échec le plus grave et le plus récent date du début de 2014 et s’inscrit dans le bras de fer engagé par Benyamin Netanyahou pour empêcher Obama de poursuivre les négociations avec Téhéran sur le programme nucléaire iranien.

À la demande du Premier ministre israélien, l’Aipac a essayé, en vain, de trouver une majorité au Sénat des États-Unis pour voter le Nuclear Weapon Free Iran Act of 2013 édictant de nouvelles sanctions contre la République islamique, ce qui aurait conduit celle-ci à quitter la table des négociations.

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On en est là aujourd’hui. Et quand, en mars prochain, John Kerry rendra public son accord-cadre, très favorable à Israël, dont il a pris en compte la plupart des demandes – mais pas toutes -, Benyamin Netanyahou devra prendre la plus difficile décision de sa carrière.

S’il n’accepte pas le Plan Kerry comme base et point de départ de la négociation censée le transformer en accord de paix, il reviendra aux Juifs américains, aussi nombreux que ceux d’Israël, d’arbitrer entre lui et leur président : Barack Obama.

Il y a désormais des chances que l’Aipac essuie une nouvelle et cinglante défaite.

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