2 août 1990 : le grand dessein de Saddam Hussein
En décidant d’envahir le Koweït, le raïs irakien mettait les doigts dans un engrenage qui allait conduire à deux guerres du Golfe. Dès les premiers jours de l’invasion, JA exprimait son inquiétude, sous la plume de Hugo Sada.
Le 2 août [1990], à 1 heure du matin, le raïs irakien n’a plus hésité : il a lancé ses troupes à l’assaut de la capitale koweïtienne et s’est emparé en quelques heures des points clés de la ville. Saddam Hussein est un homme qui recourt volontiers aux menaces, proférées avec une indéniable brutalité. C’est aussi un homme qui a la réputation de ne pas en rester là. Il y a dix ans, quand il avait menacé haut et fort de s’attaquer à l’Iran, il était passé à l’acte.
Premier tremplin
En 1984, il avait annoncé qu’il allait bombarder les ports pétroliers du Golfe et les convois de tankers, et il avait mis ses menaces à exécution. Depuis plusieurs mois, il répétait qu’il avait l’intention d’utiliser sa formidable puissance armée pour redessiner la carte des équilibres politico-militaires de la région : il avait fait comprendre ensuite que le Koweït pourrait bien être le premier tremplin de sa grande ambition. Le 2 août, il a montré qu’il était non seulement prêt, mais aussi pressé, et qu’il maîtrisait parfaitement la préparation de son coup en dosant subtilement la mise en scène visible et le secret nécessaire à la réussite de son plan.
L’opération militaire irakienne, qui laissait peu de chances aux petites forces armées koweïtiennes, aura été largement condamnée par la communauté internationale. Mais aucun expert du Golfe ne pouvait, en toute hypothèse, penser que les alliés arabes du petit émirat allaient mobiliser leurs troupes et se lancer dans un conflit armé contre l’Irak. Saddam Hussein a conçu son offensive pour rendre très vite irréversible un changement politique brutal au Koweït.
Seul atout nouveau des Occidentaux dans cette région : la prudence de l’URSS
Seule une intervention militaire internationale – sur la base d’un accord entre les États-Unis, leurs alliés occidentaux et l’Union soviétique –, ainsi qu’un minimum de volonté des États de la région pourraient éventuellement mettre un terme, même provisoire, à la grande offensive déclenchée par le dirigeant de Bagdad. Or il faudra sans doute du temps aux Occidentaux pour se mettre d’accord sur une opération concrète et crédible dans le Golfe. Comme il leur en fallut pour réagir, en juillet 1956, quand Nasser déclencha la crise de Suez. Seul atout nouveau des Occidentaux dans cette région : la prudence de l’URSS, qui ne cherchera pas à faire cavalier seul et se montrera sans doute disposée à coopérer avec Washington.
La haine et la crainte
En fait, pour neutraliser le risque d’une opposition commune et résolue des États arabes modérés proches de l’Irak, Saddam Hussein plaide depuis des mois une cause qui commence à gagner une popularité certaine : il est injuste, affirme-t-il, qu’une énorme quantité de richesses soit concentrée entre les mains de quelques familles émirales, alors que les pays arabes les plus peuplés et les plus pauvres sont dans une situation financière désespérée. De fait, pour Bagdad, l’opération est juteuse. Le Koweït produit 1,5 million de barils [de brut] par jour, soit près de la moitié de la production irakienne. […]
Dans les monarchies pétrolières, on hait Saddam Hussein et on le craint. Désormais, on le haïra encore plus et pourra dire qu’on avait de bonnes raisons de le craindre. Depuis 1979 et durant toute la guerre du Golfe, on ne savait plus s’il fallait se protéger des projets iraniens d’exportation de leur révolution islamique ou de la montée en puissance de Bagdad. Les émirats pétroliers ont d’abord cru, comme d’ailleurs les pays occidentaux, que le danger proviendrait de Khomeiny. Ils se sont vite rendu compte que la voracité de l’Irak était bien plus dangereuse.
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