Allemagne : le diable est dans les détails
Pour conclure un accord de gouvernement, les partis de la Große Koalition – CDU, CSU et SPD – s’étaient bien gardés d’approfondir les réformes annoncées. Les embrouilles, c’est maintenant !
Angela Merkel le sait bien : son troisième et, sans doute, dernier mandat ne sera pas de tout repos. Hydre à trois têtes formée par son parti (la CDU), les conservateurs de Bavière (la CSU) et les sociaux-démocrates du SPD, son gouvernement est passé maître dans l’art du compromis. Mais il n’en associe pas moins en son sein des sensibilités et des valeurs très différentes. Voire radicalement opposées.
Au début du mois de janvier, l’ouverture totale du marché du travail à la main-d’oeuvre roumaine et bulgare a provoqué une première passe d’armes entre CSU et SPD. La première demande que soit contrôlée cette "immigration de pauvreté" dont le seul objectif est, selon elle, de profiter des aides sociales. Le second dénonce une "dérive droitière" et des propos "électoralistes". Monté au créneau, Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères (SPD), a rappelé que "la libre circulation des travailleurs est un pilier indispensable de l’intégration européenne", sans nier que l’arrivée massive d’immigrés pauvres en provenance d’Europe de l’Est puisse provoquer des difficultés – notamment dans la Ruhr et à Berlin. Ironique, la presse allemande a évoqué la nécessité d’une "thérapie de couple". Et les problèmes ne font sans doute que commencer.
La salaire minimum à 8,50 euros brut de l’heure ? Le patronat crie à la ruine de l’économie.
Car pour parvenir à un compromis – la formation du gouvernement a demandé trois mois d’âpres négociations -, de nombreuses concessions ont été faites dans le contrat de coalition. Certaines réformes majeures ont été introduites mais sans entrer dans des détails susceptibles de fâcher. C’est le cas du salaire minimum, la mesure phare voulue par les sociaux-démocrates. Les conservateurs d’Angela Merkel ont consenti à instaurer en 2015, dans toutes les branches de l’économie, un salaire horaire brut de 8,50 euros. Les entreprises auront deux années supplémentaires pour le mettre en application. Mais d’ici là, le lobbying des organisations patronales – lesquelles agitent la menace de la destruction d’un million d’emplois et de l’effondrement du commerce extérieur – parviendra sans doute à atténuer les effets de cette avancée sociale. À en croire l’institut économique DIW, 17 % des salariés allemands touchent actuellement moins de 8,50 euros de l’heure… Déjà, il est question d’introduire des exceptions pour les travailleurs saisonniers, les stagiaires, les apprentis et les retraités qui travaillent. C’est en tout cas le voeu de la CDU-CSU.
Scepticisme
Autre réforme qui pourrait ne jamais voir le jour : les péages autoroutiers imposés aux seuls conducteurs étrangers. Introduite dans le contrat de coalition pour faire passer la pilule des revendications du SPD, cette mesure exigée par la CSU soulève un scepticisme presque général. Elle est aussi considérée comme discriminatoire par l’Union européenne. Grâce à elle, la puissante "soeur" bavaroise de la CDU entend faire la démonstration de son poids dans la coalition, face à sa concurrente de gauche qu’elle accuse de vouloir imposer son calendrier de réformes en dépit de la relative médiocrité de son score électoral. Les questions des retraites et de la transition énergétique pourraient elles aussi susciter de sérieux désaccords.
Reste la réforme de la double nationalité. Jusqu’ici réservée aux seuls ressortissants de l’Union européenne, cette disposition devrait être étendue aux enfants nés de parents étrangers en Allemagne et y ayant grandi. Entre 21 et 23 ans, ceux-ci sont aujourd’hui contraints de choisir entre la nationalité allemande et celle de leurs parents. Aucune date n’a été avancée pour sa mise en place, mais la réforme a d’ores et déjà déçu dans la mesure où elle exclut les personnes résidant en Allemagne mais nées à l’étranger.
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