Homophobie : vox populi, vox diaboli
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Georges Dougueli
Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.
Publié le 11 février 2014 Lecture : 2 minutes.
"Pas de ça chez nous !" Dans les pays qui condamnent l’homosexualité, on tente d’éluder tout débat sérieux sur le sujet par cette sentence lapidaire. Mais nier le problème n’est pas le régler. La question du sort que l’Afrique réserve à ses homosexuels reste entière. Si ces derniers, comme certains le pensent, sont des "malades", des "pervers", ou des "agents du diable", les États ne proposent aucune politique destinée à les "resocialiser". On peut durcir la loi, les envoyer en prison… Mais qui peut croire sérieusement qu’après un séjour au fond d’un cachot un gay en ressortira hétérosexuel ? Faut-il appliquer à ces prétendus "délinquants sexuels" la castration chimique ? Que ferons-nous des lesbiennes dans ce cas ? Et si rien de tout cela n’est suffisamment dissuasif, faudra-t-il généraliser la peine de mort ? À moins de se contenter d’encourager la "justice" populaire…
À l’heure de la chasse aux homos, la meute fonce sans se poser la question qui dérange : quel est l’avenir d’une société qui s’arroge le droit d’exclure, de jeter en prison ou de tolérer la persécution de personnes dont le seul tort est de susciter le dégoût d’une partie, fût-elle majoritaire, de sa population ? Le citoyen-lyncheur a sonné l’hallali, des politiciens populistes et irresponsables lui ont fait écho, des procureurs déguisés en journalistes ont établi des listes, désignant d’honnêtes gens à la vindicte populaire…
"Pas de ça chez nous", dit-on dans certains pays, comme pour résister à un impérialisme culturel venu d’ailleurs et qui tenterait d’imposer "une pratique contre nature". Mais alors, qui a enfanté les gays camerounais, ougandais ou nigérians ?
Les biographes de Chaka soutiennent que le mythique roi des Zoulous avait – déjà – des relations homosexuelles avec ses soldats.
Il ne sert à rien de renier nos prétendus "déviants". Les exclure de la communauté nationale ne changera pas le fait que nous sommes du même sang. Les pousser à l’exode n’empêchera pas non plus la nature de faire son oeuvre : d’autres homosexuels naîtront. Il n’y a aucune raison scientifique pour que le continent africain soit "préservé" de cette "perversion" qui touche les quatre autres.
Certes, on peut toujours se réfugier dans le déni. On peut étriller les biographes de Chaka, qui soutiennent que le mythique roi des Zoulous, symbole par excellence de la résistance à la colonisation occidentale, avait – déjà – des relations homosexuelles avec ses soldats. Va-t-on lui aussi le jeter dans les poubelles de l’Histoire ?
"Nous n’en voulons pas", a dit un ministre camerounais pour justifier l’emprisonnement d’un gay, ajoutant que même "les Occidentaux ont longtemps condamné cela". Mais est-il raisonnable de reproduire systématiquement des erreurs qu’on pourrait éviter ? Le respect des droits des personnes, quelles qu’elles soient, doit être assuré par les autorités. C’est cela l’État de droit, et, pour l’instant, il n’a pas été trouvé meilleur système en ce bas monde.
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