Homosexualité, politique, religion : l’Afrique, le continent homophobe ?
L’homosexualité fait aujourd’hui partie du débat public. Les haines se déchaînent. Mais l’essentiel est que le tabou saute, et avec lui, un jour peut-être, des préjugés d’un autre âge.
Aucune liberté n’a jamais été conquise sans le courage et le sacrifice de personnalités d’exception. Le Camerounais Éric Lembembe, militant gay assassiné en juillet 2013, et son compatriote Roger Mbede, mort ce 10 janvier faute de soins, renié par sa famille dont il avait entaché l’honneur en aimant un autre homme, sont de cette trempe. L’écrivain kényan Binyavanga Wainaina aussi. "Sortir du placard", oser écrire qu’on est homosexuel sur un continent qui revendique son homophobie est un acte comparable au "J’accuse" de Zola. À 43 ans, le 18 janvier, alors qu’il se sait "gay depuis l’âge de 5 ans", le lauréat du prix Caine de la littérature africaine en 2002 a publié une nouvelle autobiographique poignante. Dans ce récit, il murmure à l’oreille de sa mère mourante : "Je suis homosexuel, maman" – ce qu’il n’a jamais réussi à lui dire de son vivant. Et se libère ainsi d’un lourd secret.
Autour de lui, nombre d’hommes et de femmes vivent reclus dans la peur : dans trente-huit pays africains, les relations entre personnes du même sexe sont passibles de peines de prison, voire de la peine de mort, comme au Soudan ou en Mauritanie. Ils seront trente-neuf demain si la RD Congo décide d’entériner un projet de loi punissant l’homosexualité de douze années d’incarcération.
Nos hommes politiques, ceux-là mêmes qui pensent que virilité rime avec hétérosexualité, ont bien compris que l’instrumentalisation de l’homosexualité pouvait être une arme redoutable. Vidéos truquées – ou pas -, noms de personnes présumées gays jetés en pâture à des lecteurs avides de scandales par une presse de caniveau, attaques sur fond de doctrines religieuses contre une "maladie venue de l’Occident"… Taboue hier, la question fait aujourd’hui partie du débat public. La parole se libère, pour le meilleur parfois, souvent pour le pire. Mais cela reste un premier pas vers la reconnaissance de ce qui n’est ni un crime ni une maladie.
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