Annus horribilis

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 3 février 2014 Lecture : 2 minutes.

Vous avez aimé 2013, avec ses hordes de jihadistes fondant sur Bamako, ses colonnes infernales de sélékistes mettant Bangui à sac et ses kamikazes shebabistes massacrant à tout va les clients d’un centre commercial de Nairobi ? Vous adorerez 2014 ! C’est en substance ce que le général James Clapper, 72 ans, directeur du renseignement national américain, supposé être l’homme le mieux informé au monde puisqu’il chapeaute les seize agences spécialisées que comptent les États-Unis, prévoit pour l’Afrique au cours des onze prochains mois. Dans sa déposition au Sénat le 29 janvier, cet ex-aviateur multimédaillé n’y va pas par quatre chemins : si, dans le monde arabe, "la violence et l’incertitude sur fond de rivalités confessionnelles et ethniques" vont "probablement augmenter" en 2014, attendez-vous à pire pour l’Afrique subsaharienne. Clapper est formel : toute la zone sahélienne et même au-delà, jusqu’à la RDC en passant par la Centrafrique, forme un immense "incubateur pour groupes rebelles, extrémistes et terroristes".

Le directeur du DNI, qui déplore au passage, à l’américaine – c’est-à-dire sans aucune précaution sémantique – l’incapacité des gouvernements locaux, annonce donc que des attentats auront vraisemblablement lieu au Tchad, au Niger, au Mali et en Mauritanie au cours de cette année, afin de "punir" ces quatre pays de leur soutien aux interventions militaires françaises. Réjouissantes perspectives que partage apparemment le chef d’état-major sortant des armées françaises, l’amiral Édouard Guillaud, pour qui la Libye est devenue, dans sa partie méridionale, un "trou noir" susceptible de devenir, en 2014, "le nouveau centre de gravité du terrorisme". L’ancien chef d’état-major particulier de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, qui sait de quoi il parle puisqu’il commanda, il y a trois ans, l’opération d’élimination du régime Kadhafi – pour le meilleur et pour le pire -, préconise rien de moins qu’une nouvelle intervention militaire entre Koufra et Sebah, afin d’éradiquer les katibas d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

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La bonne vieille canonnière est donc de retour et, avec elle, les mânes de Jacques Foccart, puisque l’obsession sécuritaire qui, peu à peu, tient lieu de politique africaine à Paris comme à Washington a pour effet direct de remettre en selle des chefs d’État considérés il y a peu, et non sans une certaine arrogance, comme quasi infréquentables. Or non seulement les taux de croissance de leurs pays ont fait de ces derniers des risques spéculatifs plus qu’acceptables, mais la participation de leurs troupes à la lutte contre le grand Satan mondialisé vaut lien du sang et brevet de respectabilité.

2014, annus horribilis ? Rien n’est fatal. Après tout, ce n’est pas la première fois que les Cassandre galonnées d’un Occident vieillissant et dépressif annoncent pour l’Afrique une apocalypse imminente, alors que ce continent en pleine accélération de son histoire et de sa richesse possède en lui et de plus en plus la capacité d’affirmer son autonomie d’action et de décision. Pour les onze mois à venir, c’est ce pari-là que nous voulons faire.

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