Vie publique, vie privée
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 31 janvier 2014 Lecture : 2 minutes.
Le mois de janvier aura été, en France, celui de l’outrance. Des torrents d’encre et de salive ont coulé sans discontinuer. Tout ce déchaînement de passions à cause d’un article publié par un magazine appartenant à la catégorie communément appelée "presse de caniveau" et qui parlait d’une liaison entre le président François Hollande et une actrice assez connue. Les photos qui illustrent l’article ont été prises, bien entendu, par un paparazzi. Les lecteurs ne se sont pas contentés des ouï-dire, ils ont préféré voir, lire le magazine en question. Si bien que, vingt-quatre heures après sa parution, il n’y avait plus d’exemplaire disponible dans certains kiosques, particulièrement à Paris. La preuve, s’il en faut, qu’une affaire de moeurs ne laisse personne indifférent, en particulier lorsqu’elle concerne un chef d’État. Tous les autres médias, ceux qui sont "sérieux", en ont fait leurs choux gras. Je ne me suis pas empêché d’écouter les arguments des uns et des autres : journalistes, politologues, psychanalystes, philosophes, écrivains, historiens, bouffons, politiciens, etc.
Si j’ai bien compris les analystes, Hollande est coupable. Coupable d’être sorti nuitamment de son palais, à l’arrière d’un scooter, au lieu d’être président vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Que serait-il arrivé, selon un expert, en cas d’attaque nucléaire parce qu’il n’avait pas la combinaison sur lui ? Que serait-il arrivé, d’après un autre, si un jihadiste lui avait tendu une embuscade ? Et puis, qu’est-ce que c’est que ce président qui n’est pas marié, qui couvre la France de honte à l’étranger, s’indigne un franchouillard. Une autre éminence, se prenant pour un mage, décrète qu’à cause de ce "scandale" Hollande n’a aucune chance d’être réélu en 2017. Partout, les mêmes discours. D’autant que, plus affligeant encore, ce sont les mêmes invités qui font le tour des plateaux de télévision, des studios de radio, signent des articles dans la presse.
Que faut-il en retenir ? Qu’il y a eu trop de bruit pour rien. Que les uns et les autres, dans une hypocrisie renversante, se sont transformés en défenseurs d’une vertu qui n’existe nulle part et en croisés du "Bien" contre le "Mal". Les brailleurs, installés dans leur confort, ne se battent pas avec autant de hargne contre les inégalités, le racisme, la précarité, le manque de logements, l’exclusion… Nous voilà dans un monde où les bavards ont raison, où des directeurs de journaux réputés affirment, sans aucune gêne, qu’ils ont toujours "tapé sur Hollande" et qu’ils sont prêts à recommencer. Que font-ils alors de la déontologie, de l’objectivité ? Cela dit, je ne veux pas m’ériger en donneur de leçons. Que chacun fasse selon sa conscience. Je note néanmoins l’essentiel : dans cette affaire où la vie privée d’un chef d’État a été déballée sur la place publique, le magazine en cause n’a pas été interdit. Ses responsables n’ont pas été enlevés et jetés dans un cachot putride des services secrets. Personne n’a été battu à mort, personne n’a reçu la moindre balle dans la tête. Dans nos pays lointains, les dirigeants devraient comprendre que la liberté d’expression est un droit humain. Bâillonner est une bêtise.
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