Militaires thaïlandais en embuscade

L’interminable bras de fer entre le gouvernement de Yingluck Shinawatra et son opposition menace de très mal tourner. Et si l’armée jouait les arbitres ?

Suthep Thaugsuban, l’un des leaders de la contestation, le 21 janvier. © Wally Santana/AP/Sipa

Suthep Thaugsuban, l’un des leaders de la contestation, le 21 janvier. © Wally Santana/AP/Sipa

Publié le 3 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Tout avait pourtant commencé comme une fête populaire, avec fleurs, brochettes et drapeaux. L’opération "Bangkok Shutdown" visait à paralyser la capitale thaïlandaise, raison pour laquelle des centaines de milliers de militants antigouvernementaux étaient descendus dans la rue. Et puis tout a dérapé et, le 20 janvier, l’état d’urgence a été proclamé. La veille, après des semaines de tensions, une attaque à la grenade en plein centre-ville avait fait une trentaine de blessés, dont sept sont dans un état grave. Trois jours auparavant, un engin explosif avait déjà été lancé dans la foule, faisant un mort et une quarantaine de blessés.

À une quinzaine de jours des élections législatives anticipées, ces graves incidents font craindre une escalade de la violence. Thaworn Senniem et Suthep Thaugsuban, les chefs de file de l’opposition, ont déclaré à la presse qu’ils ne céderaient pas à ces tentatives d’intimidation, dont ils attribuent la responsabilité au gouvernement. D’une même voix, ils appellent à poursuivre leur combat jusqu’à la démission de Yingluck Shinawatra (46 ans), la Première ministre, quitte à devoir procéder à son arrestation et à celle de ses ministres.

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L’opposition souhaite en effet mettre en place un conseil du peuple, instance non élue qui serait chargée d’entreprendre une réforme électorale en profondeur en attendant la tenue d’un nouveau scrutin, dans un an. La jeune chef du gouvernement, au pouvoir depuis un peu plus de deux ans, est accusée de n’être qu’une marionnette entre les mains de son frère, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, chassé par un coup d’État militaire en 2006 et contraint à l’exil deux ans plus tard en raison de diverses accusations de corruption.

Renverser le "régime Thaksin", tel est donc l’objectif affiché par l’opposition, composée des élites de Bangkok, proches du palais royal et des populations du Sud, qui voient en Thaksin une menace pour la monarchie. Pour ces "chemises jaunes" (la couleur royale) opposées aux "chemises rouges" progouvernementales, le système Thaksin est synonyme de corruption au bénéfice exclusif de la famille Shinawatra – celle-ci est soutenue voire adulée par les provinces populaires du Nord et du Nord-Est. Une commission d’enquête vient d’ailleurs d’être chargée d’évaluer le degré d’implication de la Première ministre dans un énorme scandale de détournement de subventions aux riziculteurs.

Elle a fondu en larmes devant les caméras

Pourtant, en dépit de plus de deux mois de manifestations presque ininterrompues, Yingluck ne renonce pas. Il est vrai qu’elle bénéficie du soutien de son frère, qui communique quotidiennement avec elle, par Skype, depuis Dubaï. Sans cela, il est probable qu’elle aurait déjà abandonné la partie. En décembre 2013, n’avait-elle pas fondu en larmes devant les caméras de télévision en implorant ses compatriotes de la soutenir ? Sa hantise, c’est que tout s’embrase et que la situation devienne incontrôlable.

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Elle est convaincue que les attaques à la grenade auraient été orchestrées par l’opposition dans le but de provoquer un coup d’État militaire, éventualité que le général Prayuth Chan-ocha, chef des forces armées, n’a d’ailleurs pas exclue. Pourtant, nombre d’observateurs doutent de la volonté de ce dernier de se lancer dans une telle aventure à quelques mois de la retraite…

Et puis le duo Yingluck-Thaksin a plus d’un tour dans son sac. Le bruit court que Prayuth serait finalement moins loyal à la monarchie qu’on ne le croyait. Et qu’il aurait déjà retourné sa veste – d’uniforme, bien sûr. À en croire les écoutes téléphoniques rendues publiques par la presse, il aurait conclu avec le vice-Premier ministre, le général Yuthasak Sasiprapha, un accord secret en vue du retour de Thaksin. En échange d’une retraite bien méritée.

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