Un long chemin vers les libertés
Joaquim Chissano est l’ancien président du Mozambique et coprésident du groupe de travail de haut niveau pour la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD).
Nous vivons un moment de transformation pour l’Afrique – voire pour le monde. Sous la direction éclairée d’Ellen Johnson-Sirleaf, la présidente du Liberia, les décideurs de tout le continent sont en train de mettre la dernière touche à un document crucial, qui présentera une position africaine commune sur le programme de développement destiné à remplacer les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) après 2015.
Depuis les années 1990, l’Afrique a acquis sur la scène internationale une autorité considérable en matière de négociations en restant unie et en créant un consensus sur les questions importantes. Cette stratégie nous a fortifiés à de nombreux égards. Nos voix seront ainsi mieux entendues lorsqu’il s’agira de négocier le cadre de base qui guidera les gouvernements, les bailleurs de fonds et les partenaires au développement dans les années à venir. Il nous faut donc prêter une attention aiguisée à nos objectifs.
J’exhorte nos dirigeants à tirer les leçons du passé, mais aussi à prendre en compte les réalités actuelles, et à anticiper l’avenir, car ce nouveau programme aura un impact sur la vie de millions de nos concitoyennes et concitoyens, à un moment particulièrement critique pour le continent. Je les encourage à prendre une position ferme en faveur des droits de l’homme, et à faire progresser les libertés fondamentales.
Cela signifie qu’il faut nous appuyer sur trois priorités : l’indépendance des femmes et l’égalité des sexes, l’autonomisation des adolescents et des jeunes, et des droits pour tous en matière de santé. Ces priorités interdépendantes et leurs implications politiques ont été soigneusement analysées par le groupe de travail de haut niveau pour la CIPD, que je copréside. Nous avons constaté qu’elles représentent non seulement des impératifs, mais aussi des investissements intelligents et rentables favorisant la création de sociétés plus équitables, plus saines, plus productives, plus prospères et plus inclusives.
Nous souhaitons que chacun puisse choisir la personne avec qui il voudrait se marier ou avoir des enfants, sans aucune forme de coercition ou de violence.
En particulier, les droits en matière de sexualité et de procréation constituent un prérequis à l’émancipation des femmes et des générations de jeunes sur lesquels repose notre avenir. Cela signifie simplement accorder à chacun la liberté – et les moyens – de prendre des décisions éclairées sur les aspects les plus fondamentaux de sa vie : sa sexualité, sa santé et ses relations sociales. Nous souhaitons que chacun puisse choisir la personne avec qui il voudrait se marier ou avoir des enfants, sans aucune forme de coercition ou de violence. Cela implique également un accès effectif et abordable à l’information, à des services publics de qualité et à une éducation sexuelle.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’accepter la discrimination entre les personnes en fonction de l’âge, du sexe, de l’origine, de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle. Nous avons besoin de libérer le plein potentiel de tout un chacun. En tant qu’Africain d’un certain âge, je comprends que certains puissent se méfier encore de ces idées. Mais il suffit de prendre du recul pour constater que l’évolution générale de l’histoire de l’humanité, surtout au cours du dernier siècle, est marquée par l’expansion des libertés et des droits humains. Les dirigeants africains devraient être à l’avant-garde de ce mouvement, sans aucune retenue, surtout en ce moment critique.
L’agenda international que nous allons contribuer à définir n’est pas seulement le nôtre, ici et maintenant, mais celui des générations à venir et du monde. En réfléchissant à ces questions, je me souviens des paroles de l’un de nos leaders qui s’est éteint récemment et qui a acquis une grande sagesse au cours de sa longue marche vers la liberté. "Être libre ne signifie pas seulement se débarrasser de ses chaînes, nous a rappelé Nelson Mandela, mais vivre d’une façon qui respecte et consolide la liberté des autres." Soyons à la hauteur de ses paroles immortelles.
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