Cyclisme : ces Érythréens qui mouillent le maillot

Leur pays, l’Érythrée, ressemble à une prison. Et pourtant, ils sont une demi-douzaine de coureurs cyclistes professionnels à se distinguer sur les tours africains et européens.

Natnael Berhane, cycliste érythréen. © SERGE ROGERS / AFP

Natnael Berhane, cycliste érythréen. © SERGE ROGERS / AFP

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 5 février 2014 Lecture : 2 minutes.

En s’adjugeant le classement général de la Tropicale Amissa Bongo, Natnael Berhane, le coureur érythréen de la formation française Europcar, ouvre une page dans l’histoire du cyclisme africain. C’est le premier sportif du continent à remporter la victoire finale sur cette épreuve disputée depuis 2006. Un succès sur le fil, obtenu grâce au jeu des bonifications lors des sprints intermédiaires, devant l’Espagnol Luis León Sánchez. À 23 ans, Berhane, déjà vainqueur d’étape en 2011, confirme son statut de chef de file. Très ému, le protégé de Jean-René Bernaudeau, qui l’avait aligné sur le Tour de France 2013, a dédié sa victoire à son pays.

Indépendante depuis 1993, l’Érythrée vit sous la férule d’Issayas Afewerki. Dans cet État-garnison aux frontières fermées, les hommes et les femmes sont astreints à un service militaire obligatoire de 17 à 40 ans. Journalistes et opposants sont pourchassés et internés dans des conditions inhumaines. Mais c’est aussi la nation phare du cyclisme africain, avec plus d’une demi-douzaine de coureurs professionnels. Leurs succès contribuent à lustrer l’image d’un régime qui présente en réalité de troublantes similitudes avec celui de la Corée du Nord. Depuis la colonisation italienne (1885-1941), le cyclisme fait partie de l’identité nationale dans ce pays de hauts plateaux, bordé par la mer Rouge.

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Le CMC d’Aigle, véritable incabuteur de talents

Mais la longue guerre de libération contre l’Éthiopie et le "choix autarcique" d’Afewerki ont entravé le développement de la discipline, empêchant ses athlètes de se mesurer aux meilleurs. Le manque d’équipement – les vélos de compétition peuvent coûter jusqu’à 8 000 euros – a longtemps constitué un frein.

Tout a changé en 2005, après la mise en place par l’UCI (Union cycliste internationale) d’un camp d’entraînement en Afrique du Sud et d’un Centre mondial du cyclisme (CMC), à Aigle, en Suisse. Les Érythréens ont été parmi les premiers à en bénéficier, à l’instar du pionnier Daniel Teklehaimanot, sacré champion d’Afrique en 2010 et vainqueur du Tour du Rwanda en 2011. Ces structures ont permis de repérer des sportifs aux prédispositions évidentes dès que la route s’élève – Asmara, la capitale du pays, est située à 2 300 mètres d’altitude -, mais qui manquaient cruellement de "science de la course". Le CMC d’Aigle, véritable incubateur de talents, est devenu un passage obligé pour les espoirs des nations émergentes. Une politique qui a porté ses fruits plus vite que prévu, puisque l’un des anciens pensionnaires du centre, le Britannique Christopher Froome, natif de Nairobi, a remporté le Tour de France en juillet 2013 !

Depuis le milieu des années 1980, la Grande Boucle s’est internationalisée. L’une des étapes de cette ouverture a été l’arrivée en 2002 du Burkinabè Michel Bationo comme ardoisier. Il assurait déjà les mêmes services sur le Tour du Burkina Faso. Dans le sillage de Berhane et de ses poursuivants, l’Afrique peut-elle devenir la nouvelle frontière du cyclisme ? Froome, vainqueur de la dernière édition du Tour, et le Sud-Africain Daryl Impey, premier coureur africain à endosser le maillot jaune (en 2013), ont montré la voie…

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