G5 Sahel : le début de la fin ?

Le retrait du Mali doit pousser les pays de la région à privilégier enfin l’intérêt collectif pour garantir leur sécurité. Car l’organisation pourrait bien ne pas survivre à cette rupture.

Un soldat malien de la force conjointe du G5 Sahel appartenant au bataillon FAMa (Forces armées maliennes) à Boulikessi © Frederic Petry/Hans Lucas via AFP

PADONOU-Oswald
  • Oswald Padonou

    Docteur en sciences politiques. Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité

Publié le 17 mai 2022 Lecture : 4 minutes.

L’artillerie lourde déployée par le pouvoir de transition à Bamako pour rompre les accords antérieurs et rebâtir une nouvelle stratégie sécuritaire et diplomatique fondée sur ses besoins et ses choix de partenariats, continue de détoner. Après la fin actée de Barkhane et de la coopération militaire française en général, le gouvernement malien a annoncé, le 15 mai 2022, son retrait du G5 Sahel, y compris de sa force conjointe… ou du moins ce qu’il en restait.

Cette décision, fondée sur le refus du Tchad de concéder au Mali l’organisation du huitième sommet de l’organisation et sa présidence – Bamako soupçonne là encore la France d’être à la manœuvre – sonne le glas d’un cadre institutionnel déjà quasi moribond et sans résultats visibles en dehors du Collège de défense créé à Nouakchott.

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Organisations inutiles ?

L’audace – ou peut-être les excès – des autorités maliennes, qui font feu de tout bois, doit amener à questionner avec lucidité l’utilité d’une organisation qui n’aura apporté aucune plus-value spécifique en matière de sécurité et de développement à ses États membres et aux populations. Et cette réflexion doit être élargie aux nombreuses organisations ayant de fait ou de droit un mandat dans les domaines de la paix et de la sécurité, notamment l’Uemoa, le Conseil de l’entente, l’Union du fleuve Mano, l’Autorité du Liptako-Gourma, la Commission du Bassin du Lac Tchad, l’Initiative d’Accra…

Cette panoplie d’institutions qui ne servent qu’à capter les rentes de l’aide étrangère et à gaspiller les maigres ressources disponibles, doit faire place à une rationalisation des initiatives et des cadres institutionnels de prévention et de gestion de l’insécurité dans la région.

Pour ce faire, il est urgent de recrédibiliser la Cedeao par l’organisation d’une concertation élargie sur les transitions en cours, sous l’égide de l’Union africaine et des Nations unies. Il est tout aussi urgent de faire exécuter les décisions de la Cour de justice de l’Uemoa en suspendant l’embargo contre le Mali et en exigeant des autorités de transition, au-delà d’un calendrier consensuel et raisonnable, des réformes de fond sur la gouvernance politique et sécuritaire.

« Les conseilleurs ne sont pas les payeurs »

Le temps qui passe joue en faveur de l’instabilité et il est temps que les guerres d’egos surdimensionnés cèdent la place à une démarche privilégiant l’intérêt régional. En l’état, le pourrissement de la situation au Mali n’épargnera aucun pays de la région et aucun redéploiement des forces françaises ne pourra venir à bout des menaces qui pèsent sur la stabilité des États.

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Le désormais G4 Sahel ne survivra certainement pas à cette rupture. Parmi les cinq États-membres, c’est le Mali qui possède le PIB le plus important – même s’il ne représentait que 17,39 milliards de dollars en 2020. Et trois d’entre eux sont actuellement en transition politique et militaire. Ce qui en soi constitue déjà le bilan de cette organisation créée en 2014 comme le pendant politique local de l’élargissement de la zone d’opération de l’armée française aux cinq pays concernés.

Cela dit, le gouvernement malien a tout à fait intérêt à ralentir la cadence et à privilégier le dialogue plutôt que la confrontation. Les activistes « panafricains » qui soutiennent les autorités militaires de transition et appellent à un changement de tutelle ou à un transfert de celle-ci de la France vers la Russie travaillent à un potentiel retrait du Mali de l’Uemoa et de la Cedeao qui lui sera fatal, au moins à court terme ! « Les conseilleurs ne sont pas les payeurs » et seuls les dirigeants paieront les pots cassés d’un excès de confiance présidant à la prise de décisions précipitées.

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La France doit prendre sa part

Pour l’heure, le requiem du G5 Sahel est prononcé. Pour une organisation qui n’a pas su, peut-être à son corps défendant, simplement faciliter les liaisons aériennes directes entre les cinq capitales, il faut espérer que renaisse sur ses cendres un nouveau modèle d’intégration régionale plus fort et plus productif.

Le début de la fin du G5 Sahel et peut-être d’autres organisations régionales ayant vu leur mandat s’étendre aux questions sécuritaires, doit constituer l’entame d’un vaste chantier de rénovation des mécanismes de sécurité collective à l’échelle régionale. Il faudra notamment se pencher sur les rapports entretenus et envisagés avec les puissances extra-africaines, car si celles-ci ont déjà toutes une stratégie africaine, les États du continent les plus exposés à l’insécurité et les organisations régionales peinent eux-mêmes à définir de vraies positions communes.

Enfin, dans la tragi-comédie qui se déroule sous nos regards ébahis, la France doit prendre sa part dans cet échec collectif et renouveler au cours du quinquennat qui commence son regard et sa politique vis-à-vis des États africains francophones… Sans quoi il ne restera absolument plus rien de son influence dans les cinq prochaines années.

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