RDC : les zigzags de l’opposition congolaise
Face aux gestes d’ouvertures du pouvoir de Joseph Kabila, les uns sont tentés, d’autres hésitent, d’autres enfin persistent dans leur refus de tout compromis. Une chose est sûre : les opposants congolais sont divisés.
Le grand réveil de la RDC
Cela fait tout juste deux ans. Lors de la dernière présidentielle, le 28 novembre 2011, le camp de Joseph Kabila, le chef de l’État sortant, avait imposé un scrutin à un tour, qui enfermait l’opposition dans une alternative simple : s’unir, ou voir ses chances de l’emporter fortement réduites. Faute d’avoir réussi à se rassembler, l’opposition a échoué.
Fidèle à lui-même et sûr de ses chances de triompher seul, Étienne Tshisekedi, éternel leader de l’opposition radicale, avait recueilli 32,3 % des suffrages. Outre Kabila (vainqueur du scrutin avec 48,9 % des voix), il affrontait Vital Kamerhe (7,7 %), président de l’Assemblée nationale entre 2006 et 2009, Léon Kengo wa Dondo (4,9 %), actuel président du Sénat, et sept autres candidats. Quant aux membres du Mouvement de libération du Congo (MLC), ils ont cru jusqu’au bout que leur champion, Jean-Pierre Bemba, qui comparaît devant la Cour pénale internationale (CPI), serait libéré à temps. En son absence, ils n’ont pas voulu désigner de candidat, ni donner de consignes de vote.
L’opposition présentera-t-elle un front plus uni en 2016, date à laquelle devrait se tenir la prochaine élection présidentielle ? Ces deux dernières années, elle s’est au moins rassemblée sur un point : le rejet de Joseph Kabila avec, dans l’attitude la plus radicale, Étienne Tshisekedi. La tension s’est sensiblement apaisée depuis l’organisation des concertations nationales, dont l’un des principaux objectifs était de renouer le dialogue avec l’opposition, afin d’envisager la formation d’un gouvernement d’ouverture. Les débauchages prévus pour constituer cette nouvelle équipe promettent d’affaiblir un peu plus l’opposition. Revue de détail.
Compromis(sions)
L’homme qui avait annoncé la formation d’un gouvernement de cohésion nationale avant même le début des concertations n’est autre que le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo. Le chef de l’Union des forces du changement (UFC), 78 ans, fut à plusieurs reprises Premier ministre du maréchal Mobutu dans les années 1980 et 1990. Kengo wa Dondo a accepté non seulement de participer aux discussions, mais aussi de les coprésider. Un gage d’ouverture au dialogue qui devrait permettre à son parti d’entrer au gouvernement.
UNC
Fermeté
Ancien proche de Kabila, ex-secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir), Vital Kamerhe, 54 ans, a quitté la majorité présidentielle en 2009 avant de fonder l’Union pour la nation congolaise (UNC) l’année suivante. Ayant refusé catégoriquement de participer aux concertations nationales, il veut se positionner pour la prochaine élection présidentielle comme l’un des hommes forts d’une opposition non compromise avec le pouvoir, notamment au sein de la Coalition pour le vrai dialogue (CVD).
Vital Kamerhe. © Gwenn Dubourtoumieu pour J.A.
Reste que la jeune UNC manque de moyens et d’un ancrage territorial en dehors de la province natale de son leader, le Sud-Kivu. Cependant, la plateforme Sauvons la RDC, que Kamerhe a fondée en novembre avec Nzanga Mobutu, Mbusa Nyamwisi et les Forces acquises au changement (FAC) de Martin Fayulu pour s’opposer à toute velléité de Kabila de briguer un troisième mandat, pourrait élargir sa base.
Incertitudes
Tshisekedi paraît trop affaibli pour mener une nouvelle campagne.
Le principal opposant n’est autre que le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Étienne Tshisekedi, 81 ans, qui s’était proclamé vainqueur de la présidentielle de 2011. S’il a lui aussi refusé de prendre part aux concertations nationales, certains élus de son parti y ont siégé à titre individuel. Faut-il y voir un déficit d’autorité de sa part ? Tshisekedi paraît en tout cas trop affaibli pour mener une nouvelle campagne.
La question de son éventuelle succession devrait se poser lors du prochain congrès du parti, en 2015, si une session extraordinaire n’est pas organisée avant. Aucun successeur naturel ne s’est pour l’instant imposé, même si quelques noms circulent, notamment celui de Valentin Mubake ou celui de son propre fils, Félix Tshisekedi. Mais l’opposant historique est un personnage à part sur l’échiquier politique congolais. À supposer que l’UDPS résiste à son éventuelle retraite, l’aura du parti en souffrirait forcément.
Étienne Tshisekedi. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.
Suspens
La problématique est toute autre pour le Mouvement de libération du Congo. Avec Jean-Pierre Bemba, le parti dispose d’un leader incontesté, dans la force de l’âge (51 ans) et indéniablement populaire, y compris hors de sa province d’origine, l’Équateur. Seul hic : il est détenu à La Haye depuis 2008.
Après avoir exprimé quelques réticences, son parti a finalement pris part au forum national. Cette décision puis la volonté affichée par Kabila d’assurer "le suivi [des] dossiers" des Congolais détenus à la CPI avaient laissé entrevoir un possible compromis avec le pouvoir.
Mais un événement a changé la donne : l’arrestation, fin novembre 2013, du député Fidèle Babala, bras droit de Jean-Pierre Bemba, extradé par Kinshasa vers La Haye, qui le soupçonne de "subornation de témoins". En plus de tendre les relations du MLC avec le pouvoir, cette arrestation a fait s’éloigner les chances de libération rapide de Bemba, lui aussi mis en cause dans cette nouvelle affaire. Les cadres du mouvement assurent qu’ils présenteront, quoi qu’il en soit, un candidat à la prochaine présidentielle.
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Pierre Boisselet, envoyé spécial à Kinshasa
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