Guinée-Bissau : Paulo Gomes, un techno dans le marigot

Il a pour l’instant peu de chances de gagner, mais il y croit. Paulo Gomes, candidat indépendant à la prochaine présidentielle, compte sur les voix des jeunes et de la diaspora.

Paulo Gomes, candidat indépendant à la prochaine présidentielle. © JA

Paulo Gomes, candidat indépendant à la prochaine présidentielle. © JA

Publié le 30 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

Les connaisseurs de la vie politique bissau-guinéenne ne lui donnent aucune chance. "Dans un pays comme celui-ci, où les partis sont historiquement forts, se présenter en tant qu’indépendant n’est pas un atout, surtout quand on a longtemps vécu à l’étranger", estime l’un d’eux, basé à Dakar. Et pourtant, pas de quoi freiner Paulo Gomes : l’économiste compte bien "gagner" l’élection présidentielle censée sortir le pays d’une crise politique qui dure depuis plusieurs années. Après maints reports, le premier tour est annoncé pour le 16 mars.

"Il y croit vraiment", souligne son entourage. Parce qu’on a déjà vu un technocrate à la tête d’un État ouest-africain : "Au Liberia avec Ellen Johnson-Sirleaf", dit-il. Parce que son pays, il le connaît bien, contrairement à ce qu’affirment ses détracteurs. Même s’il est né à Dakar, s’il a fait ses études d’économie en France et aux États-Unis et une partie de sa carrière loin des rives du rio Geba… Et parce qu’il "travaille" sur ses faiblesses depuis plusieurs mois, conscient que, en milieu rural notamment, rares sont les Bissau-Guinéens à avoir entendu parler de lui. "La jeunesse est avec moi, veut-il croire, tout comme la diaspora" – qui, pour la première fois, pourra voter. C’est pour la séduire qu’il est parti à sa rencontre ces dernières semaines, aux États-Unis, au Portugal et en France.

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Avant même d’avoir annoncé sa candidature le 12 septembre 2013 à Dakar, Paulo Gomes avait tâté le terrain sur les réseaux sociaux. À chaque fois, la même question revenait : que diable l’un des cadres bissau-guinéens les plus brillants venait-il faire dans ce marigot hanté par les assassinats, les coups d’État et les trahisons ? Et pourquoi briguer la présidence ? Pourquoi pas la primature, qui lui a déjà été proposée (en vain) à trois reprises, en 2004, 2006 et 2012, lorsqu’il fallait trouver un homme neuf après une énième crise ? Selon les termes de la Constitution, c’est là que se décide l’avenir du pays, non à la présidence…

"Un homme qui saura changer l’image de la Guinée-Bissau à l’étranger"

Réponse de l’intéressé dans un français impeccable (il a vécu dans l’Hexagone quand son père y représentait le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), mouvement de libération dirigé par Amílcar Cabral, dans les années 1970) : "Mon pays m’a tout donné. J’ai une dette envers lui. Je la règle en m’engageant en politique. Si je vise la présidence, c’est parce que j’estime qu’il y faut un homme qui se situe au-dessus de la mêlée et qui saura changer l’image de la Guinée-Bissau à l’étranger."

Son aura internationale et ses réseaux dans la sous-région sont, de fait, ses principaux atouts. On ne passe pas plusieurs années à la tête du département Afrique subsaharienne de la Banque mondiale et on ne fréquente pas les conseils d’administration de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et d’Asky Airlines sans se faire un très beau carnet d’adresses.

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Pour Gomes, qui aura 50 ans à la fin du mois, le temps est venu de se mettre au service de son pays, en restant à l’écart de partis minés par des querelles de personnes. En se tenant, aussi, éloigné d’une armée qui a tendance à se consacrer à ses intérêts plutôt qu’à la défense de la patrie ; et plus éloigné encore des trafics qui ont fait de la Guinée-Bissau le "premier narco-État africain" aux yeux de Washington. "Le futur président devra être irréprochable", insiste-t-il.

Mais il n’est pas le seul à tenir ce discours. "Il aura du mal à se démarquer, car tout le monde se présente comme l’homme neuf", estime un diplomate africain en poste à Bissau. Pour l’heure, sur les huit candidats déclarés, six se présentent en indépendants. Quant aux deux principaux partis, le PAIGC et le Parti de la rénovation sociale (PRS), ils semblent décidés eux aussi à jouer la carte du renouveau : s’ils n’ont pas encore dévoilé l’identité de leurs candidats, on sait déjà qu’ils seront issus d’une nouvelle génération, celle des fils des combattants de la libération nationale.

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