Sénégal : touche pas à mon poisson

Le ministre sénégalais de la Pêche, Haïdar El Ali, ne s’en laisse pas conter. Après les trafiquants de bois, c’est au tour des chalutiers pirates d’être dans son viseur.

Haïdar El Ali a réalisé des documentaires pour sensibiliser la population à l’environnement. © Seyllou/AFP

Haïdar El Ali a réalisé des documentaires pour sensibiliser la population à l’environnement. © Seyllou/AFP

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Publié le 21 janvier 2014 Lecture : 2 minutes.

"Depuis ma naissance, je n’ai eu qu’une seule feuille de route : l’action." Issu du monde militant, Haïdar El Ali, le ministre sénégalais de la Pêche, vient de provoquer une crise diplomatique entre le Sénégal, la Russie et la Guinée-Bissau. À l’origine du litige, l’arraisonnement d’un chalutier russe par la marine sénégalaise dans les eaux communes aux deux pays ouest-africains. "Le Sénégal accuse un manque à gagner de 150 milliards de F CFA [environ 229 millions d’euros] par an à cause de la pêche illégale", rappelle cet écologiste entré en politique à la faveur de l’élection de Macky Sall, pour qui la gestion rigoureuse des ressources halieutiques relève aussi de la sécurité alimentaire.

Jusque-là, les navires pris en flagrant délit dans les eaux sénégalaises s’en tiraient le plus souvent par des arrangements. "C’est un geste fort de montrer qu’un pays africain fait respecter sa souveraineté face à la surpêche", analyse Yoann Mutone, membre de l’Océanium, une association de protection de l’environnement dont Haïdar El Ali a longtemps été le principal ambassadeur.

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Ministre atypique et peu diplomate, il sait bien que cette intransigeance n’est pas sans risques. Initialement nommé à l’Environnement, il a perdu son portefeuille après s’être attiré des inimitiés. Lancé dans une croisade contre le trafic de bois, le trublion a très vite dérangé le lobby des exploitants forestiers, largement connecté avec Touba, la ville sainte du mouridisme. "Un lundi matin, il m’a lancé : "Je pars à la Pêche !" raconte Jean-Christophe Henry, chargé de programme à l’Océanium. J’ai cru qu’il parlait d’une virée en mer…"

Opérations coup de poing face aux baleiniers japonais

Paradoxalement, cette mutation aux allures de sanction est aussi une promotion dans un pays où la pêche est un secteur stratégique. Sans compter que, pour Haïdar El Ali, l’Atlantique est un peu une seconde maison. "Enfants, on faisait l’école buissonnière pour aller pêcher à Soumbédioune", se souvient Ibnou Sow. Comme ce dernier, plusieurs amis d’enfance du ministre ont vécu dans ce village de pêcheurs planté sur la corniche ouest de Dakar, tout près de la Médina, le quartier populaire où lui-même a grandi. Plus tard, c’est en pratiquant la plongée sous-marine et en constatant les ravages de la pêche à la dynamite que ce Sénégalais d’origine libanaise a été sensibilisé aux enjeux environnementaux. Le "Cousteau sénégalais" réalise alors des films documentaires et sensibilise la population à la nécessité de promouvoir une pêche durable, respectueuse de la reproduction des espèces et de l’environnement. De fil en aiguille, il s’en prend à la déforestation et lance, avec l’Océanium, le plus vaste chantier de reboisement de la mangrove jamais réalisé.

Défenseur résolu des pêcheurs traditionnels face aux chalutiers pirates, Haïdar El Ali est aussi à l’initiative de la collaboration entre le gouvernement sénégalais et l’ONG Sea Shepherd, qui lutte contre l’impunité des braconniers des mers. Dès cette semaine, des patrouilles devraient être effectuées au large des côtes du pays par l’un des bateaux de cette organisation, dont les opérations coup de poing face aux baleiniers japonais pêchant illégalement en Antarctique ne pouvaient que séduire ce ministre activiste. Par ailleurs, le président Macky Sall a annoncé que la marine nationale bénéficierait de moyens supplémentaires pour lutter contre la pêche clandestine.

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